Le 1 novembre 2022, par Larry Ménard
A l”Eglise Saint Michel au Camas,( 5ème, Marseille), trois féviers d’Amérique supplémentaires ont remplacés cet hiver trois platanes morts depuis plusieurs années. Cependant, la plantation a été faite de manière primitive.
Des gravats de béton, d’asphalte, et d’autres déchets ont-ils été laissés juste sous la surface comme avant à proximité? Fort possible. Les arbres ont-ils été plantés de niveau, de sorte que le tronc n’est pas du tout enterré? Je n’y crois pas car il n’y a aucun évasement des troncs au niveau du sol.
Je viens d’aller à l’église pour vérifier si les féviers ont été plantés correctement sur le plan horticole, c’est-à-dire au niveau du terrain, avec de grosses racines près de la surface. En creusant avec mes mains autour de deux arbres à une profondeur de 20 cm., je n’ai pas du tout rencontré de racines, parce que les mottes de racines ont été beaucoup trop profondément enterrées.
De grosses racines devraient être idéalement présentes entre 2,5 et 5 cm de la surface pour faciliter la respiration des racines, qui poussent horizontalement. Trop profondes dans la terre, les racines manquent d’air du sol pour absorber assez oxygène, une mauvaise condition pour la croissance et la santé.
En plus de la réduction de la capacité respiratoire du système racinaire, le tronc est enterré par beaucoup de terre puis par du mulch (paillage), une mauvaise pratique qui peut écourter la vie d’un arbre.
On a mis 20 cm. de mulch, ce qui est excessivement profond; pire il avait été répandu jusqu’au tronc, le touchant, ce qui devrait être évité. Le mulch retient une humidité excessive contre l’écorce, créant ainsi des conditions favorables à la décomposition de l’écorce, ce qui permet aux champignons, aux bactéries et aux insectes de pénétrer sous l’écorce et d’endommager l’arbre de l’intérieur. L’écorce doit être exposée à l’air pour fonctionner correctement et protéger le tronc. C’est encore pire d’enterrer un tronc avec de la terre.
Les arbres enterrés: une tendance généralisée
A Saint Barnabé les érables negundo (comme les platanes) ne sont pas en bonne santé depuis des années, en partie souffrant de la mauvaise taille, ce massacre rituel français, et d’être entourés de béton jusqu’au tronc. Ils meurent l’un après l’autre
et sont remplacés; cette fois-ci les nouveaux arbres ont été plantés dans ce qui devrait théoriquement être un meilleur environnement: de grands carrés de terre recouverts de mulch. Pourtant ils sont tous entourés soit par une bonne profondeur de terre, soit par du mulch, ou par une mélange, mais qui reste en contact direct avec le tronc. Cette mauvaise pratique prédomine à Marseille.
La ville a autorisé ou a construit à au moins trois endroits, au Bd Louis Salvator, au Bd Chave, et au Bd National, environ une dizaine de bacs de plantation surélevés en bois autour de micocouliers pour verdir la rue. Ces grands bacs construits sur le trottoir comportaient à l’origine autour de chaque tronc une boîte en bois carrée et fine pour empêcher la terre de toucher le tronc. Quand j’ai perçu inadéquate cette construction de protection du tronc, je m’attendais à ce que bientôt tous les troncs seraient enterrés d’un profondeur de 40 cm. de terre comme ce qui s’est produit peu après. Quel ineptie! Et on a accordé le droit à des citoyens évidemment sans connaissance horticole de créer des paysages dans ces bacs. Le résultat est vraiment triste. Actuellement, on remarque une perte d’intérêt manifeste, un abandon. Quel gaspillage! Souvent à Marseille, les jardins en bacs sur les trottoirs si mal conçus et mal entretenus sont pires que rien.
Le cas le plus choquant d’arbres enterrés d’une manière nocive est celui des quatre magnolias de la Place Jean Jaurès. Il faut d’abord constater que ces Magnolia grandiflora étaient tous très vieux, en déclin avancé, et pas loin de mourir bien avant qu’on ait fait un plan où ils étaient la pièce maîtresse, malgré la probabilité de leur disparition dans un avenir proche. On aurait pu planifier en vue d’une transition de cet espace après leur mort dans un plan global, plutôt que d’en faire un point de mire encore plus important, en faisant des constructions architecturales coûteuses sur le périmètre ainsi que, effroyablement, directement au milieu des quatre arbres, comme si les arbres étaient des objets inanimés.
D’avoir coupé drastiquement les racines majeures des magnolias a été une erreur fatale. Le système racinaire de cet espèce est extensif et peut être trois fois le diamètre de la couronne. Et le fait d’ avoir enterré profondément les troncs ne va qu’accélérer leur décès.
Il est difficile de concevoir que des procédures aussi destructrices aient été proposées, et encore moins approuvées, mais dans une ville où on massacre les arbres et les arbustes, ce n’est pas très étonnant après tout.
Avant, cette place était principalement un grand parking avec des tilleuls pavés jusqu’au tronc en mauvaise santé, et un espace central clôturé avec des arbres et des terrains de jeux. Je n’aimais aimé ni l’espace des magnolias, entourés par des allées étroites avec des bancs, ni les lignes uniformes de tilleuls. C’était difficile, dangereux et désagréable de circuler comme piéton. Mais dans une culture figée par la tradition, il faut toujours conserver le patrimoine, même si c’est médiocre.
Addendum: été 2022
A l’église St.Michel des jardiniers viennent de déterrer les troncs des trois nouveaux féviers d’Amérique. Autour d’un, j’ai creusé encore pour bien exposer le tronc. Il a été planté au moins 30 centimètres trop profond. L’écorce est fendue verticalement plusieurs fois. L’arbre risque de ne pas prospérer et de ne pas vivre longtemps.
Le tronc n’a été que temporairement exposé à l’air sec; il a depuis été profondément ré-enterré et l’écorce nouvellement enterrée continuera à pourrir.
Pour les deux autres, on a peut-être aussi prononcé une sentence de mort prématurée en les enterrant si profondément. Et pour tous les autres arbres nouvellement et mal plantés dans cette ville, vont-ils survivre longtemps?
Addendum: printemps 2023
Depuis plusieurs mois, les quatre jardinières surélevées situées juste en haut de la Préfecture sur le Bd Louis Salvator, n’ont plus leurs côtés en bois, qui ont été enlevés. Pourquoi? Les côtés en bois étaient-ils pourris? Que se passera-t-il à l’avenir ? Une nouvelle jardinière en bois sera-t-elle construite ou la terre sera-t-elle enlevée?
Le mulching des volcans
Le mulching (paillage) des arbres et des arbustes peut être bénéfique s’il est fait correctement, mais délétère ou mortel à long terme s’il n’est pas fait correctement. Les mulchs peuvent être inorganiques, comme le gravier ou les petits cailloux, qui conviennent parfaitement aux cactus et aux plantes grasses, ou organiques, comme le bois, l’écorce, les branches et les feuilles broyés.
Les mulchs organiques peuvent être bénéfiques à de nombreux égards, notamment pour :
– la rétention de l’humidité du sol
– l’augmentation de la fertilité du sol grâce à leur décomposition, qui stimule également les vers et autres organismes du sol qui se nourrissent de matière organique et aèrent ainsi les sols compacts
– la modération des températures extrêmes du sol
– la suppression des mauvaises herbes
– la réduction du compactage du sol
– la réduction de l’érosion du sol
– des considérations esthétiques.
Le mulching volcanique, qui consiste à déposer en profondeur un mulch de forme conique, enterrant le tronc d’un arbre ou d’un arbuste, est une pratique qui peut gravement compromettre la santé et la durée de vie des plantes ligneuses. Tout contact du mulch avec le tronc doit être soigneusement évité. Selon la texture du mulch et le profil du sol, s’il est trop profond, il peut sérieusement compromettre la capacité du sol à fournir suffisamment d’oxygène aux racines, contribuer à l’engorgement des sols qui élimine l’espace poreux permettant à l’air de pénétrer. Dans les sols mal drainés, la profondeur du mulch ne doit pas dépasser 5 cm. Les tilleuls font partie de la liste des arbres particulièrement sensibles à un mulching excessif.
L’asphyxie des racines peut résulter d’un excès de mulch, car les racines ont besoin d’oxygène pour respirer. Ce phénomène est amplifié dans les sols mal drainés qui ont été compactés, ce qui est courant dans les environnements urbains. Les conséquences délétères et mortelles peuvent prendre de nombreuses années avant de se produire.
Si le mulch est trop profond, 15 cm ou plus, les racines se développeront progressivement vers le haut à la recherche d’oxygène. Ces nouvelles racines superficielles peuvent être soumises à un assèchement excessif quand le mulch se dessèche pendant les mois chauds de l’été. De plus, ces nouvelles racines peuvent encercler le tronc de l’arbre, le ceinturant jusqu’à sa mort au bout de quelques années.
L’humidité prolongée ou constante contre un tronc d’arbre est très nocive. L’écorce interne ou phloème meurt si elle est incapable de respirer par ses pores ou lenticelles, ce qui met en danger la santé et la survie des arbres. La mort de l’écorce interne empêche l’alimentation du système racinaire, ce qui entraîne le déclin de l’arbre.
La même chose est vraie quand un arbre ou un arbuste est planté trop profondément, dans sa transplantation dans des conteneurs au départ et dans sa plantation en pleine terre. Le trou doit être soigneusement creusé à une profondeur ne dépassant pas celle du conteneur, sinon un tassement de la terre meuble en dessous se produira et le tronc sera progressivement enterré.
Le mulch doit donc être maintenu à une distance suffisante du tronc pour éviter tout contact direct, au moins 10 cm. Les écorces maintenues constamment humides pourrissent et deviennent sensibles aux attaques de champignons parasites, de bactéries et d’insectes.
Si le mulch est très profond, la température du sol peut être augmentée par la chaleur générée par le compostage du mulch, et l’écorce intérieure peut également être endommagée.
Aucun de ces principes horticoles n’est respecté à Marseille. Les arbres sont souvent plantés trop profondément ou s’enfoncent avec le temps car le sol en dessous se compacte. Les mulchs, souvent mélangés à de la terre ce qui est bien pire, sont beaucoup trop profonds et sont d’après mes observations toujours en contact avec le tronc. Est-ce que quelqu’un se soucie de cela ? Je n’ai pas constaté la moindre inquiétude.
Lorsque j’étais étudiant en horticulture au Merritt College d’Oakland, en Californie, dans les années 1980, le mulching et les plantes de climat méditerranéen faisaient partie de la nouvelle vague de l’horticulture, le compostage étant bien établi et perfectionné depuis les années 1950 par la recherche à l’Université de Californie à Berkeley. Les jardins de l’école d’horticulture, composés notamment de plantes tolérantes à la sécheresse, originaires des cinq climats méditerranéens du monde (Californie, Chili, Afrique du Sud, Australie et région méditerranéenne) étaient mulchés avec des broyats de bois peu profonds et soigneusement distancés des troncs d’arbres et d’arbustes. Ici à Marseille, le mulching était une nouveauté en 2010, appelé à l’époque ” bois raméal fragmenté “, quand j’ai assisté à une réunion de la Société d’Horticulture.
Dans les années 1990, à Berkeley, en Californie, où je vivais et travaillais comme jardinier paysagiste, le recyclage des déchets de jardin était institutionnalisé depuis longtemps. Tout d’abord, dans les années 1980, deux hippies ont commencé à broyer les déchets de plantes à l’aide d’une machine agricole reconvertie, sur le site d’élimination des déchets qui se trouvait alors au bord de la baie. C’est là que je déposais les déchets végétaux pour mes clients jardiniers afin qu’ils soient ensuite recyclés sous forme de mulch. La ville a rapidement commencé à mettre en place un système de broyage en bordure de rue certains jours de la saison de croissance, laissant sur place le mulch pour qu’il soit utilisé dans le jardin d’où il provenait. Ensuite, tous les déchets de jardin ont été collectés dans des poubelles vertes sur roues pour être transformés en mulch et en compost dans les installations de la ville. Le recyclage des déchets de jardin s’est ensuite étendu à l’ensemble de l’état.
Marseille, en revanche, a beaucoup de progrès à faire dans ce domaine, car je vois souvent des déchets de plantes dans les poubelles ou dans la rue.
Dans le jardin où j’habite, je coupe en petits morceaux toutes les branches que je taille, puis je les mets dans le bac à compost pour les utiliser plus tard comme mulch. Quand j’ai créé ce jardin et pendant de nombreuses années par la suite, j’ai maintenu un mulch de 5 cm de profondeur entre les plantes. Au Centre équestre Pastré, j’ai obtenu gratuitement autant de mulch que je voulais, un mélange composté de copeaux de bois provenant de scieries et de fumier de cheval. Bel aspect.
Comme le chat du voisin venait chaque jour creuser un grand trou pour déféquer, et que le mulch était une invitation, j’ai finalement dû renoncer à utiliser le mulch des écuries de chevaux. Marseillais typiquement froid et insensible, le voisin se réjouit que je doive régulièrement enlever les excréments de son chat. Quel voisinage ! Le xénophobe me rit au nez et me dit : “Rentre chez toi.” et “Tu n’es qu’un locataire. Tu n’as aucun droit”.
Addendum: 9 décember 2023
À l’âge de dix ans j’ai acheté le premier livre de ma vie : “Sunset Basic Gardening Illustrated” qui expliquait les bonnes pratiques de plantation d’un arbre ou arbuste selon la science horticole. Pour illustrer et souligner l’importance cruciale d’une profondeur de plantation correcte, les camélias et les rhododendrons ont été cités comme cas particuliers de plantes spécialement sujettes au dépérissement et à la mort si plantées trop profondes, même de quelques centimètres. Il a été recommandé de les planter légèrement plus haut que le niveau du sol environnant.
L’ ignorance des principes horticoles les plus élémentaires est très répandue dans le Midi, et certains professionnels les violent régulièrement. Peu d’attention est accordée aux détails de plantation des arbres et des arbustes, comme la profondeur, un placement et une orientation soignés de chaque plante dans son espace par rapport au paysage, une taille initiale structurelle et esthétique afin d’établir une bonne forme pour le développement futur. Parfois, des plantes ne sont même pas plantés à la verticale.
C’est le cas du paysage récemment renouvelé du Jardin du Corinthe, situé un peu en amont de l’entrée du Parc du 26ème Centenaire, où presque tous les arbres et arbustes ont été sensiblement enterrés dans un processus de plantation extrêmement primitif fait avec l’aide d’une pelle de tracteur.
En termes de conception et de réalisation, c’est horrible, l’une des pires que j’ai vues récemment. Mais il a de nombreux concurrents dans ce style de conception impatient et non réfléchi qui aboutit à un maquis dense sans beauté ni intérêt visuel, un futur cauchemar d’entretien, dans lequel des arbustes de future taille importante comme le lentisque, l’arbousier et le myrte sont plantés à moins d’un mètre les uns des autres, ainsi que trop près de clôtures et d’allées. Et comme ailleurs à Marseille, de nouveaux arbres de grande taille et donc coûteux ont été plantés juste en dessous des arbres existants.
C’était un gaspillage total d’argent qui a ruiné un paysage de pins d’Alep et d’arbustes Pittosporum tobira, qui avaient en quelque sorte conservé des formes relativement naturelles . Ce paysage aurait pu être amélioré grâce à une bonne conception.
Personne ici ne semble s’inquiéter ou même être conscient du péril potentiel, causé par une plantation trop profonde, pour la santé et la longévité des arbres et des arbustes, enfoncés dans des profondeurs considérables de terre et/ou de mulch, avec des troncs toujours humides et des racines asphyxiées.
Bien qu’ils soient bien intentionnés, nos élus en charge des espaces verts sont apparemment peu informés au sujet de la science horticole de la plantation et du mulching corrects, comme en témoigne la photo suivante de La Marseillaise du vendredi 8 décembre 2023.
Dans le cadre de la campagne de plantation de 300 000 arbres à Marseille dans un futur proche, des bosquets d’arbres qui seront bientôt très denses ont été plantés dans le Parc du 26ème Centenaire. Les arbres sont étroitement espacés, de 3 à 4 mètres seulement, quelle que soit leur taille ou leur forme à l’âge adulte, y compris le cèdre bleu de l’Atlas et le figuier.
Je me suis rendu dans le parc pour voir par moi-même et je n’ai pas été surpris de constater que tous les arbres que j’ai inspectés étaient plantés extrêmement profondément, entre 20 et 40 cm.
En visitant récemment le Jardin botanique de Santa Barbara (1926), composé de plantes indigènes de Californie, j’ai vu cette explication sur le mulching.
Addendum: mai 2024
Près de la préfecture, sur le boulevard Louis Salvator, la terre entourant les quatre micocouliers a enfin été enlevée, environ un an après l’enlèvement du bois. (Les progrès ici avancent à pas de tortue, comme pour l’enlèvement des grilles métalliques problématiques qui nuisent aux platanes de la Cannebière). Enterrer les troncs pendant plusieurs années dans le sol a eu les effets délétères prévisibles, le développement d’une écorce pourrie et, dans un cas, des racines ceinturées.
Sources:
Rutgers University,
New Jersey Agricultural Experiment Station
Problems With Over-Mulching Trees and Shrubs
Bruce Crawford, State Program Leader in Home and Public Horticulture
Raul Cabrera, Extension Specialist in Nursery Production & Management
July 2021
HOME AND GARDEN
Too much soil or mulch at tree’s base can spell decay
By Tim Johnson Chicago Tribune Sep 05, 2017
Tim Johnson is director of horticulture for the Chicago Botanic Garden in Glencoe.
mass.gov
Massachusetts Urban and Community Forestry Program
The Practical Science of Planting Trees: Part II March 2017
By Rick Harper and Mike Davidsohn
conservancy.umn.edu
Stem Girdling Roots: The Underground Epidemic Killing Our Trees
By: Gary Johnson, University of Minnesota and Dennis Fallon, Xcel Energy
Addendum: septembre 2024
Dans l’enseignement du jardinage aux États-Unis, on insiste beaucoup sur l’importance cruciale d’une profondeur de plantation correcte et sur la nécessité d’éviter ou d’atténuer les changements significatifs du niveau du sol sous les arbres et arbustes dans les paysages existants. Les professeurs d’horticulture des universités américaines et les directeurs de jardins botaniques, dont les articles sur leurs sites web de jardinage ont servi de sources à cet article, s’accordent tous à dire que sauf quelques exceptions comme les clématites ou les tomates, c’est généralement une mauvaise idée de planter un arbre, un arbuste et la plupart des plantes vivaces en dessous du niveau du sol. La santé, la vigueur et la longévité peuvent être compromises.
Les jardiniers américains apprennent également que certaines plantes sont particulièrement sensibles à un arrosage excessif ou à un mauvais drainage du sol. Comme indiqué précédemment, ils sont avertis qu’il faut planter les arbustes éricacés et les camélias de manière à ce que l’eau s’écoule loin du tronc, même en les plantant sur un léger monticule.
En Californie les jardiniers apprennent à faire très attention aux excès d’irrigation et au drainage du sol pour certaines espèces méditerranéennes de terre aride, surtout pour de nombreuses espèces indigènes californiennes sensibles comme le fremontodendron; ils apprennent aussi que l’enfouissement des couronnes racinaires de ces arbres et des arbustes dans la terre ou le paillis peut également s’avérer fatal pour ces plantes de climat aride, vulnérables aux champignons.
En outre, les jardiniers apprennent à respecter le besoin de sécheresse estivale des chênes verts de la côte, Quercus agrifolia, auparavant sauvages, qui sont incorporés dans de nouveaux paysages, qu’ils ne doivent pas être arrosés, mais rarement, à l’intérieur de la limite d’égouttement de l’arbre, et ce uniquement pour établir des couvre-sols éventuellement tolérants à la sécheresse. Autrement, le fameux champignon parasite des racines de chêne, Armillariella mellea, se manifestera éventuellement et un arbre typiquement longévif pourrait facilement voir sa vie terminée en l’espace de quelques années. De plus, ils apprennent que l’augmentation du niveau du sol de manière significative, au pied d’un chêne vert de la côte établi, est aussi en fait une condamnation à mort.
Arbustes emblématiques du chaparral californien, presque toutes les espèces de forme arbustive de manzanitas (Arctostaphylos sp.) et de céanothes (Ceanothus sp.) peuvent succomber à des champignons ou à des maladies s’ils ne sont pas correctement plantés au niveau du sol ou légèrement au-dessus, mais plutôt trop profondément (en tenant compte de l’affaissement du sol).
De même, de nombreuses plantes de la garrigue provençale qui ont également besoin d’un bon drainage, comme les cistes, n’apprécient généralement pas d’être bien enterrées sous le niveau du sol.
En venant de Californie à Marseille, j’ai découvert que les consignes de la science horticole pour une plantation correcte, que l’on m’avait enseignées et que je pratiquais, n’étaient souvent pas respectées à Marseille, même par les professionnels, comme je l’ai souvent constaté directement. Est-ce parce que nous vivons à l’ère des “faits et sciences alternatifs” ? Ou s’agit-il simplement d’ignorance ou d’une profonde indifférence ?
Récemment, ma femme a fait une remarque spontanée à une personne assise sur le bord de la jardinière entourant le micocoulier du boulevard Chave près d’Eugène Pierre, en disant qu’il était dommage que le tronc soit profondément enfoui dans la terre, ce qui est nocif. Il lui a rétorqué qu’il était arboriste et que les micocouliers pouvaient tolérer sans effet un changement aussi radical du niveau du sol. Peut-être. La tolérance aux variations du niveau du sol ou à une plantation trop profonde varie selon les espèces. Par exemple, certains arbres ripisylves comme le séquoia de la côte, Sequoia sempervirens, peuvent survivre à des dépôts profonds de sédiments à leur base.
Ne connaissant pas précisément et définitivement les tolérances du micocoulier indigène, Celtis australis, aux variations de profondeur du sol, j’ai décidé de faire des recherches sur la question. Je n’ai pu trouver aucune étude sur cette espèce, mais j’ai trouvé un article assez révélateur sur une espèce d’Amérique du Nord génétiquement proche, Celtis occidentalis. L’arboriste surconfiant qui niait tout effet néfaste gagnerait à lire l’article suivant que je reproduis maintenant pour soutenir mon argument.
Une opération sauvetage pour les micocouliers
La Nouvelle République Environnement Niort Publié le 18/04/2016, mis à jour le 02/06/2017
“Jeudi sous la pluie, les hommes jaunes du service des espaces verts ont commencé à dégager à la main les pieds des micocouliers. Un mois de travail devrait être nécessaire pour les 70 arbres.
Le service des espaces verts de la Ville est au chevet des micocouliers de l’avenue de Paris depuis jeudi. … Michel Pailley, l’adjoint au maire chargé de l’environnement, apporte une réponse: “C’est une opération sauvetage que nous lançons pour ces micocouliers parce que si nous ne faisons rien, à terme ils sont condamnés.” Car après la chute d’un arbre l’été dernier, le constat effectué ces derniers mois ne laissait guère d’espoir aux Celtis occidentalis, s’ils étaient laissés en l’état : ‘Ils poussent comme de vieux arbres, montrent des retards de croissance alors qu’ils n’ont que dix ans, des feuilles jaunissent.’
70 arbres
“Avec l’élu, Katia Hammoutene, chef du service jardins espaces naturels de la Ville, et Bruno Charron, responsable de la mission arbre, partagent le même constat : « Ce n’est pas un problème de choix de l’essence. Même si les micocouliers poussent plus naturellement et spontanément au sud de la France, ils sont très adaptés à notre climat et au milieu urbain. »Les soixante-dix arbres ont été plantés en 2006, dans le cadre de la rénovation de l’avenue.
Le problème est d’une autre nature. Lors de leur installation, le collet, comprenez le point de jonction entre les racines et le tronc, aurait été trop enterré. De plus, les bambous initialement installés à leurs pieds étaient inadaptés et avaient déjà été enlevés en 2009.
Aujourd’hui, c’est au tour des plantes vivaces qui leur ont succédé de subir le même sort. La raison, elles bénéficiaient d’un système d’arrosage favorable à la prolifération des larves qui se sont attaquées aux racines des micocouliers.
Pas question de réaliser un traitement chimique. C’est à la main que les équipes vont détruire les petites bêtes, dégager les pieds et remplacer la terre par un paillage afin de les laisser respirer. Un mois devrait être nécessaire pour cette première étape.
‘On n’a pas la tronçonneuse facile ’.
Les micocouliers bénéficieront ensuite d’une petite coupe d’été. Les bois morts et les rameaux de l’année seront taillés et un engrais foliaire sera pulvérisé pour renforcer leur alimentation. Et si cela n’est pas suffisant, d’autres pistes sont encore possibles, comme la mycorhization (lire par ailleurs) et le changement radical du sol par un mélange de terre et de pierre. Comme l’indique Michel Pailley, « on n’a pas la tronçonneuse facile ». Et les services municipaux sont prêts à tout mettre en œuvre pour que les jolis feuillus se portent comme des charmes.
Si le dégagement des racines et la coupe estivale ne s’avéraient pas suffisants, la piste de la mycorhization est envisagée. Dit plus simplement, il s’agit de biodynamiser le sol en réinjectant des bactéries [ plutôt champignons] bénéfiques à l’enracinement. Un prélèvement est d’abord effectué afin d’analyser le sol et d’identifier les champignons présents ayant une action positive. Ils sont ensuite mis en culture et réintroduits dans la terre. Un procédé proche de celui fréquemment utilisé pour les arbres truffiers. “La méthode s’inspire du fonctionnement naturel des arbres”, précise Michel Pailley. Elle a déjà été utilisée à Pantin par exemple et nous avons contacté les responsables des espaces verts pour en connaître les bénéfices qui sont réels.”
Jean-Michel Laurent
Un deuxième Marseillais, propriétaire d’un restaurant sur le boulevard National, a également rejeté mon inquiétude justifiée concernant la construction de bacs autour des arbres. Au printemps dernier, il a commencé à construire une jardinière primitive en bois autour d’un micocoulier, s’étant visiblement inspiré de la présence autorisée depuis quelques années de plusieurs autres sur le boulevard.
En voyant cela, peu de temps après, je me suis arrêté pour discuter du caractère indésirable de ce qu’il était en train de faire.Il était occupé, alors je lui ai donné une brève explication et lui ai suggéré de lire cet article pour le dissuader de continuer. Je ne sais pas s’il l’a lu, mais j’en doute. Quoi qu’il en soit, il a persisté dans son projet pathétique.
Pourquoi, devrait-on se demander, serait-il souhaitable de construire une jardinière surélevée dans une telle situation, étant donné qu’elle correspond précisément aux dimensions du rectangle de terre exposée (non pavée pour une fois) du micocoulier ? Peut-être parce qu’il se veut une expression cool de la nouvelle vague de verdissement urbain, comme les jardins suspendus qui sont extrêmement coûteux et pas forcément très écologiques, impliquant des substances synthétiques structurelles et une incroyable consommation d’eau et engrais.
Pourtant dans un tel projet, la présence d’un arbre qui risque d’être négativement affecté par son enterrement dans presque un demi-mètre de terre n’entre pas du tout dans l’analyse des Marseillais. Pour moi et pour toute personne ayant les connaissances les plus élémentaires en matière d’horticulture, ces plates-bandes surélevées autour des arbres devraient toutes être éliminées.
Un peu plus haut dans la même rue, dans une situation identique, un paysage amateur a été établi au niveau du sol, mal conçu comme c’est typiquement le cas ici, mais n’entraînant pas d’impact destructif sur le micocoulier au centre de la plâte-bande.
Juste de l’autre côté de l’avenue se trouve une jardinière assez récente, témoignant que l’enseignement horticole du public semble être inexistant à Marseille.
Addendum: octobre 2024
Les effets délétères d’une modification sensible du sol autour d’un arbre établi peuvent prendre plusieurs années avant de se manifester et d’être létaux. Un peuplier blanc (Populus alba) bien établi est en train de mourir dans le corridor vert du côté ouest de la rocade du L-2 qui a été paysagé autour de lui il y a plusieurs années. Ses cinq troncs et sa zone racinaire semblent avoir été enterrés de manière significative lorsque cet espace bordant la rue Hrant Dink a été rempli de terre et nivelé avant la plantation de nouveaux arbres.
Addendum: janvier 2025
La méconnaissance des bonnes pratiques de plantation et l’ignorance des conséquences négatives quand elles ne sont pas respectées sont très répandues en France. Les arbres, les arbustes et même les plantes couvre-sol sont parfois profondément enterrés dans du mulch littéralement déversé sur eux. Pire encore, il semble que l’on ne se préoccupe pas des modifications du niveau du sol autour des arbres et des arbustes, en particulier des hausses.
Aucun progrès à Marseille. Au Jardin Longchamp, les plantes d’une plate-bande entière, y compris tous les palmiers méditerranéens, ont été récemment enterrées dans au moins 30 cm de paillis.
Lors d’une visite à Paris en novembre dernier, j’ai été déconcerté de découvrir que ces mêmes problèmes existent.
Au Parc Floral du Bois de Vincennes, le paillage est une innovation relativement récente. Les jardiniers n’ont pas reçu d’instruction sérieuse, car un paillage profond touche les troncs des rhododendrons et des camélias qui ne l’apprécieront certainement pas. Incroyablement, des plantes couvre-sol comme les géraniums véritables ont été noyées dans le paillis.
Troublé par cette incroyable indifférence aux plantes de la part de jardiniers dans un jardin botanique, j’ai immédiatement cherché un jardinier pour dénoncer cette incompétence. Dans le secteur suivant du parc, j’ai conversé avec une jardinière consciencieuse qui partageait mon inquiétude, qui m’a expliqué que le paillage était un phénomène nouveau, qu’il y avait beaucoup d’employés néophytes qui avaient très peu de formation formelle et que la mairie avait du mépris pour la profession de jardinier, ce qui ne m’a pas surpris.
À côté de l’endroit où elle travaillait se trouve un petit arbre adulte qui venait d’être massacré et sur lequel je me suis aussi renseigné. J’ai appris qu’un jardinier inexpérimenté avait été chargé d’effectuer cette tâche nécessitant une expertise. Ce n’est pas sérieux! Il y a de nombreuses années, j’avais visité ce jardin au printemps, mais je n’en garde que des souvenirs positifs. Le déclin et la négligence générale depuis lors sont déconcertants.