Elagage horriblement répréhensible dans les espaces publics à Marseille

Le 1 november 2022, par Larry Ménard

Je me sens vraiment comme un extraterrestre dans ce pays, quand je me perçois seul à être dérangé par la déformation, la violation d’un arbre comme récemment à un événement auquel j’ai assisté sur le patio du Théâtre Toursky à Marseille.

Le vénérable pin d’Alep du patio a subi une taille-massacre générale des branches basses et selon mes observations, le public, y compris l’adjointe au maire en charge des espaces verts qui était présente, ne la voyait pas abominable comme moi .

Toutes les branches inférieures massacrées au centre culturel Toursky.

Le mauvais traitement d’un arbre comme ça dans un centre culturel en Californie serait très mal vu et condamné à l’unanimité par le public; à vrai dire, une telle taille serait impensable. En général, la taille des arbres dans les espaces publics aux Etats-Unis se fait par des arboristes compétents qui doivent faire un travail horticulièrement correct et artistique, respectueux de la santé de l’arbre.

Des arbres impeccablement élagués sur le campus de l’Université de Californie à Berkeley.
Des arbres impeccablement élagués sur le campus de U.C. Berkeley.
L’intérieur du chêne vert de la côte sans signe de taille.
Dans le centre-ville de Berkeley, un chêne vivant de la côte, ébranché pour permettre la circulation de véhicules hauts et pour améliorer la lumière et la visibilité, conserve une forme naturelle.
Au Jardin Japonais à Lakeside Park, Lake Merritt, Oakland.
 Des plantes chinoises à Lakeside Park: Metasequoia glyptostroboides, Cornus kousa, Magnolia x soulangeana.
 Paysage méditerranéen à Lakeside Park, Oakland. A noter: l’espacement des plantes pour la maturité et la bonne taille.
 A Lakeside Park, un feijoa, Acca sellowiana, avec une belle forme réalisée par la taille sélective. Taillé méticuleusement à la japonaise, je trouve la forme parfaite et bien arrondie un peu surfait, manquant de naturel.
 Un feijoa avec une belle forme naturelle développée par la taille sélective à Bormes-les Mimosas dans Le Var, où l’art du jardin est beaucoup plus évolué qu’à Marseille.
Arbres bien espacés et bien taillés à Lake Merritt: Quercus agrifolia, Cedrus atlantica ‘Glauca’, etc.
Arbres bien espacés et bien taillés à Lake Merritt: un arbousier au premier plan.
Un joli paysage tolérant à la sécheresse et nécessitant peu d’entretien à Ventura, en Californie (sud). Aucun des arbres de fond ne présente de trace de mauvais élagage.
Une section d’un jardin naturaliste soigneusement conçu et bien entretenu, avec un labyrinthe au centre, dans le haut désert de Reno, Nevada.

Je n’ai jamais vu un seul arbre massacré dans un parc public aux Etats-Unis comme on voit trop souvent ici, sans la moindre critique d’un public ignorant et indifférent. Les cerveaux culturellement bien lavés par l’héritage des pratiques médiévales de taille sévère, on croit toujours qu’on fortifie un arbre en le décapitant. 

Parmi les massacres récents les plus révoltants sont ceux des peupliers au Parc Borély et au Parc du 26ème Centenaire.

 La taille-massacre de plusieurs peupliers noirs au Parc Borély. 
L’étêtage des peupliers blancs sur l’île du lac du Parc du 26ème Centenaire.
L’étêtage des peupliers blancs sur l’île du lac du Parc du 26ème Centenaire.

Pourquoi ? Les arbres sont-ils malades? Eh bien, le traitement est pire que la maladie et contre-productif. L’arbre, affaibli et dont la structure a été irrémédiablement détruite par l’étêtage, aura beaucoup de pousses adventives et les nouvelles branches, faiblement attachées, seront plus susceptibles d’être brisées par le vent. S’il y a vraiment un danger public, il vaut mieux abattre et remplacer l’arbre plutôt que le conserver avec une forme amputée répugnante. Où sont-ils, les défenseurs des arbres à Marseille?

Voulez-vous s’il vous plaît juste m’euthanasier. Mouvement des amputés pour la légalisation de l’euthanasie dans le Parc du 26ème Centenaire.
Pourquoi les Cotinus coggygria sont-ils si souvent massacrés à Marseille ? Mauvaise conception. Surplantation. Espace insuffisant pour le développement comme la plupart des arbustes mal placés ici. 26ème Centenaire
Chaque plante de cette plate-bande est “bien taillée” selon la coutume locale. Il est temps de se révolter contre l’oppresseur. 26ème Centenaire.
 Le manque d’espace ne peut être la raison pour laquelle cet arbre a été réduit à cette forme laide. Parc Borély.
Pendant combien d’années cette horreur va-t-elle persister au Parc Longchamp?
Pourquoi ce Liquidambar orientalis a-t-il été laissé dans cet état pathétique ? Enlevez-le. Remarquez l’Ailanthus altissima qui pousse à sa base. Le Parc Longchamp est complètement infesté et ruiné par son omniprésence.
Presque tous les arbustes du Parc Longchamp sont régulièrement massacrés. Mauvaise conception et entretien primitif.
Si vous voulez un Pittosporum tobira nain, plantez un cultivar comme ‘Wheeler’s Dwarf’.
Une autre haie horrible dans le Parc Longchamp. Les photinias sont de grands arbustes de 3 à 4 m de haut. Les utiliser comme haie basse si près de l’allée est tout simplement stupide.
Voulez-vous s’il vous plaît mettre fin à notre misère et arrêter de nous torturer. Au parc le long de l’Huveaune.
Un crime horticole a été commis à l’Ecole Primaire Chante-Perdrix (10ème). Pour une raison injustifiable, ce cèdre du Liban a été décapité, sa tête centrale violée, sciée arbitrairement, déformant totalement cet arbre à jamais. Un arboriste qui consent ou propose de réaliser un acte aussi horrible n’a aucune conscience professionnelle. A Marseille, dans les jardins privés, il n’est pas rare de rencontrer des conifères dont le méristème apical a été amputé.

Dans les tout nouveaux paysages du Jarret autour de la piscine et du parking Vallier, les cisailles à haies sont déjà occupées à détruire l’intégrité des arbustes. Les arbustes ont déjà dépassé les espaces qui leur était alloués et ont été réduits à des formes rectangulaires hideuses. De nombreux arbustes de grande taille (3+m) continueront à subir un dépeçage brutal régulier pour les maintenir à beaucoup moins d’un mètre de haut: Arbutus unedo, Teucrium fruticans, Pistachia lentiscus, Myrtus communis (dont beaucoup sont déjà morts à cause de leur intolérance aux sols à pH élevé), Myrtus communis ‘Tarentina’, Phillyrea latifolia, Eleagnus ebbengei, Vitex agnus-castus,  Viburnum tinus, etc.. De nombreux arbres et la plupart des arbustes ont été plantés beaucoup trop près les uns des autres dans le but d’obtenir un effet de jardin instantané, ce qui a déjà donné lieu à un cauchemar d’entretien. Pas superbe cette conception qui a comme conséquence un entretien abyssal. Côté positif: il y a beaucoup de choix intéressants de plantes.

Ce style de conception très français, dans lequel les arbustes sont entassés, indépendamment de leur taille ou de leur forme à l’âge adulte, dans des arrangements aléatoires, couvrant tout le terrain pour produire un aspect fini, m’a longtemps paru incompréhensible. Finalement, je me suis rendu compte qu’il était intentionnel que les arbustes soient tous réduits à des formes topiaires pathétiquement petites. Déplorable!

Personnellement, je ne supporte pas de voir des paysages aussi mal conçus.

Selon un des pionniers californiens de l’architecture paysagère moderne et directeur du département d’Architecture paysagère de l’Université de Californie à Berkeley, Garrett Eckbo, dans son guide de l’aménagement paysager, “Home Landscaping : The Art of Home Landscaping” (1978, 1956 ; Mcgraw Hill, page 199) : “… les plantes doivent toujours être espacées de manière à ce qu’elles puissent continuer à croître et à se développer selon les formes et les arrangements prévus. Si, au bout de deux ans, vous vous apercevez de façon inattendue qu’il est nécessaire de tailler régulièrement les arbustes, c’est que quelque chose n’allait pas dans le choix ou l’arrangement initial”. Bien entendu, il n’a pas envisagé que les paysages soient délibérément conçus pour un entretien aussi intensif et contraire à la nature.

Marseille devrait essayer de surmonter son provincialisme en matière de jardinage et son arrogance française, commencer à s’interroger sérieusement et de manière autocritique, abandonner ses mauvaises pratiques de design et de taille, et chercher à s’inspirer de lieux plus éclairés sur le plan horticole, influencés par les approches de jardinage anglo-saxonnes, nord-européennes et japonais. En France, la Bretagne est beaucoup plus avancée. Paris évolue. Sur la Côte d’Azur, parmi les principales références sont Bormes-les-Mimosas et Hyères. Nice et Menton ont été positivement influencées par les riches Anglais qui, historiquement, ont créé de magnifiques jardins, mais nombre de ces mêmes jardins ont depuis été terriblement sur-plantés par des jardiniers français impatients, ce qui a donné lieu à des paysages de jungle (par exemple, les jardins botaniques Val Rahmeh et le Serre de la Madone à Menton). Comme les Britanniques, les Néerlandais sont de grands maîtres dans l’art du jardinage. Le jardinage nord-américain et australien est impressionnant, nettement supérieur aux pratiques locales. 

Les traditions de jardinage anglaises se reflètent dans le Parc Thabor de Rennes, avec des arbres majestueux magnifiquement taillés.
Un jardinage si raffiné dans le parc Thabor, un contraste frappant avec la barbarie horticole sous-développée de Marseille. Fagus sylvatica ‘Purpurea’, Cedrus atlantica ‘Glauca’ et un bosquet de Sequoia gigantea, une espèce endémique de Californie, le plus grand arbre du monde en termes de volume et de diamètre.
Le jardin du désert aux Huntington Gardens près de Los Angeles. Quel art incroyable dans l’aménagement paysager de ce jardin botanique. Chaque plante est soigneusement placée de manière à conserver une forme naturelle. La taille est discrète et artistique. Pas de plates-bandes étroites et rectangulaires dans lesquelles les plantes doivent être déformées par la taille, comme c’est souvent le cas en France. Tous les jardins botaniques de Californie sont des œuvres d’art, des paradis pour les amateurs de plantes.

Les trois photos suivantes ont été prises plusieurs années après mon immigration en France dans un jardin à Berkeley, en Californie, où j’ai travaillé pendant 25 ans pour le professeur d’anatomie de l’Université de Californie à San Francisco, le docteur Myriam Simpson (dont le collègue a découvert la vitamine E. Dr. Simpson est venue à deux reprises à La Timone pour des conférences et a reçu un doctorat honorifique en sciences de l’Université d’Aix-Marseille). Le jardin a été conçu dans la tradition naturaliste, English woodland, principalement composé de plantes indigènes de Californie du Nord. Mes rénovations ont été réalisées dans la même vein. J’ai introduit de nombreuses autres espèces de plantes indigènes, ainsi que d’autres espèces de plantes. Dr.Simpson et moi-même étions tous les deux membres du Sierra Club, qui a été à l’origine de la création du système des parcs nationaux.  Malheureusement, toutes mes photos précédentes sont sur papier.

L’espace devant que j’ai réaménagé. Auparavant, il y avait un Jasminum mesnyi, une plante absolument informe et non raffinée, très populaire en France.  Au premier plan à gauche, un Ceanothus ‘Ray Hartman’, hybride de deux espèces californiennes. À droite, un sumac originaire de la région de Santa Barbara, Rhus ovata. Sur la clôture en bois (récemment remplacée), jasmin étoilé. À l’arrière-plan, à gauche, d’imposants “redwoods”, Sequoia sempervirens, longent le sentier public. Au-dessus du toit, on aperçoit à peine la toile de fond, une forêt composée exclusivement d’arbres, d’arbustes et de plantes couvre-sol indigènes de la côte nord. Parce que le paysage est conçu pour la maturité, toutes les plantes ont suffisamment d’espace, nécessitent peu de taille et paraissent naturelles. Du point de vue du design, c’est l’antithèse de la villa française lourdement fortifiée, avec des murs imposants soutenus par de hautes haies formelles. Son écran partiel est conçu pour donner du plaisir visuel aux passants. Des mondes à part.
 En plus du Rhododendron ponticum et d’une azalée, j’ai planté des plantes couvre-sol indigènes: Iris douglasiana, Adiantum aleuticum, Asarum caudatum, Heuchera maxima, Polystichum munitum, Woodwardia fimbriata.
 Deux très vieux Camellia japonica que j’ai taillé de façon sélective périodiquement et un séquoia de la côte. J’ai planté le reste : hors de vue à gauche un triangle inégal de Betula alba, Vaccinium ovatum, Asarum caudatum, Tellima grandiflora, Iris douglasiana, Polystichum munitum.

Quand je dénonce la taille sévère des arbres, la plupart des gens ne comprennent pas de quoi je parle et rejettent souvent mon analyse, y compris souvent des jardiniers professionnels. Ma critique de la mauvaise taille est totalement soutenue par les experts horticoles du monde anglophone, par exemple par le site Plant Amnesty à Seattle, Washington.

Comme moi, la Société internationale d’arboriculture dénonce l’étêtage des arbres. Voir la critique :

L’article commence par déclarer :”L’étêtage est peut-être la pratique d’élagage des arbres la plus néfaste que l’on connaisse.”


Ici, en France, je trouve également le soutien et la confirmation des experts scientifiques: notamment par Francis Hallé: Docteur en biologie, diplômé de la Sorbonne, et docteur en botanique, Ancien professeur de botanique à l’[U]niversité de Montpellier.

Sur la page Wikipédia de Francis Hallé, dans la section intitulé Défenseur des végétaux on apprend qu’“il s’insurge contre les coupes drastiques auxquelles sont souvent soumis les arbres en ville:’ Respecter les arbres, c’est s’interdire de les soumettre à des tailles ou à des élagages sévères qui les laissent marqués par des plaies de grands diamètres et qui, de ce fait, les vouent à la maladie, ou même à la mort.’

Loin de relever de l’antique art topiaire, ces coupes lui semblent obéir à de tout autres motivations:  ‘Et d’où vient cette idée selon laquelle l’élagage serait salutaire à la santé de l’arbre ? De la nécessité de motiver les agents municipaux lorsqu’on leur fait tailler les arbres en hiver, juste pour éviter qu’ils ne fassent rien à une époque où les plantes se reposent et ne demandent qu’une chose: qu’on les laisse tranquilles’.”

D’après une source non identifiée par un des responsables de Laisse Béton qui m’a envoyé ce document.

Francis Hallé propose ici trois modes d’actions liés:

“1) Laisser à l’arbre la place dont il a besoin : si on veut planter un jeune arbre, il faut déterminer la place dont il aura besoin quand il aura atteint tout son développement; ça varie selon les espèces: un platane planté dans de bonnes conditions pourra atteindre une hauteur de 30 m avec une cime de 25 m de diamètre … Les dimensions aériennes de l’arbre se trouvent aisément dans les ouvrages spécialisés; invisibles, les racines restent des organes peu connus. On sait que le trajet des racines peut s’étendre jusqu’à plus de 2 fois la hauteur de l’arbre et que toutes, fines ou épaisses, sont vitales : les racines épaisses (ou charpentières) parce qu’elles assurent sa solidité mécanique, et les racines fines parce qu’elles assurent sa nutrition par l’eau et les minéraux. Laisser à l’arbre la place dont il a besoin rend inutiles les tailles ultérieures brutales (ou pire, les suppressions). 

Note : pour les jeunes arbres replantés en ville, il faut généralement prévoir une (au moins une) taille de formation (la taille de formation de l’arbre urbain vise à obtenir une hauteur de tronc suffisante pour éviter les branches basses qui peuvent gêner la circulation des piétons et des véhicules motorisés ; on parle de 2,5m au moins au-dessus des trottoirs et de 6 à 7 m au-dessus des routes où passent des poids lourds. Il faut réaliser cet élagage sur l’arbre jeune encore en pépinière, ou peu après la plantation, parce que l’arbre jeune est capable de cicatriser rapidement).

2) Laisser à l’arbre le temps qui lui est nécessaire : le temps d’un arbre n’est pas celui d’un mandat politique. Quand les élections approchent on voit parfois les élus annoncer la plantation de grands arbres. Mais souvent ceux-ci ont séjourné trop longtemps en pépinière dans un conteneur trop petit, ils n’ont donc que des racines courtes et déformées qui ne reprendront jamais leurs dimensions normales et donc un ancrage ad hoc dans le sol. Ils vont s’effondrer au premier coup de vent sérieux. Seul le jeune arbre pourra développer des racines suffisamment longues adaptées à la direction des vents dominants et de nature à garantir sa solidité.

3. Respecter le mode de vie des arbres : toute blessure affaiblit l’arbre ; si elle est trop grande et trop profonde, elle peut même le tuer, tout comme c’est le cas chez un humain. C’est pourquoi les tailles de formation doivent se faire sur des arbres jeunes (l’élagage des branches ne leur cause que de petites plaies qui cicatrisent vite). Au contraire, sur un arbre adulte, l’ablation d’une branche laissera une plaie d’un grand diamètre dont la cicatrisation demandera des années, dans laquelle vont proliférer les bactéries, les champignons qui se nourrissent du bois. … En ville on voit des BobCats et des pelleteuses qui utilisent les troncs d’arbres comme butoirs. Cela provoque des plaies à la base des troncs. Quelques années plus tard, l’arbre dépérit et le Service des Plantations l’abat. Cette atteinte à la santé et à la vie des arbres est aussi vraie pour les racines. En cours de chantiers, on creuse des tranchées proches des troncs pour installer des tuyaux et des canalisations, on coupe au passage quelques racines et la pourriture qui s’y loge condamne probablement l’arbre à court terme.  Il arrive toutefois que l’élagage s’impose : c’est le cas pour le bois mort. Un grand arbre en bonne santé peut avoir quelques branches qui meurent. Ce n’est pas un signe de déclin. Ça fait partie de la vie de l’arbre. Le bois mort risquant de tomber sur les passants, il est justifié de l’enlever sans blesser la partie vivante des branches.”

Les directives de Hallé sont-elles respectées à Marseille ? En général, non.

1) Les arbres de rue sont typiquement plantés:

– beaucoup trop près les uns des autres pour leur maturité;

– trop près des arbres préexistants, y compris directement en dessous;

– trop près des bâtiments, des lampadaires, des câbles aériens et d’autres obstacles;   

– trop près des endroits qui risquent d’être excavés pour des travaux d’utilité publique.

2) Le plus souvent, aucune taille de formation est faite.

3) Parce que les résultats immédiats sont la priorité, presque tous les arbres plantés sont de très gros sujets, qui sont restés trop longtemps dans leurs conteneurs, et qui sont enracinés, souvent avec des racines ceinturées, et qui ne se développent donc souvent pas bien dans le sol. Trop d’entre eux meurent ou souffrent pendant la transition.

En partie pour les raisons susmentionnées, l’élagage répétitif et sévère est la conséquence, détruisant la beauté naturelle des arbres (et des arbustes), souvent réduisant leur durée de vie à cause des pathogènes.

Garrett Eckbo, dans “The Art of Home Landscaping”, insiste sur les mêmes points.


La distanciation idéale des arbres et arbustes dépende de beaucoup de paramètres: le site avec tous ses éléments et limitations; les objectifs de la conception; les espèces (les dimensions à maturité, les taux de croissances, la nature et l’étendue des systèmes radiculaires, la longévité); la nature des surfaces; le sol (la richesse, la porosité, l’humidité en surface et en profondeur); le climat (les précipitations, les températures, l’humidité et le vent par saison); les années nécessaires pour bien développer, etc. Il ya évidemment des compromis inévitables. Mais, certaines choses, comme espacer des micocouliers de 5 mètres avec des lampadaires au milieu, planter de grands arbres au-dessous d’arbres existents et de planter tout près des arbustes qui vont devenir grands, ne devraient pas se faire.

Deux micocouliers à 5 mètres l’un de l’autre, avec un lampadaire au milieu et un feu rouge à 2 mètres, défiant toutes les distances minimales de plantation qui sont présentées dans cet article.
Pas d’avenir pour ce micocoulier planté juste en dessous d’un micocoulier mature près de la mairie du 4ème/5ème. Un arbre qui reste petit aurait été parfait.
Absolument absurde cette ligne de pins d’Alep et de chênes verts sous ce viaduc près du Silo. Attention, ça pousse !
Une longue ligne d’arbres située juste en dessous ou au niveau de la ligne d’égouttement d’une ligne de grands micocouliers. Attendez !
Ces étudiants devraient être envoyés dans un pays où l’art du jardin est développé pour être déprogrammés de l’endoctrinement mauvais qu’ils reçoivent.
Quelle horrible conception, avec une haie libre (plutôt opprimée) collée contre la clôture. Je déteste les haies libres ; elles ont l’air si artificielles, les plantes se font concurrence, s’écrasent les unes les autres. Je n’en avais jamais vu avant de m’installer en France.

Ce qui suit maintenant sont des recommendations pour le placement et l’espacement des arbres et arbustes extraites de livres d’horticulture, de règlements municipaux, et d’analyses expertes:

Tree Care, de l’arboriste Californien John M.Haller, Macmillan Publishing Co.

“[Un arbre devrait être] adapté à la taille mature à l’espace qu’on prévoit de remplir.”

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Sunset Western Garden Book, Menlo Park, Californie

“… faire attention de choisir [un arbre] qui ne va pas ‘outgrow’ son site. En fait, il est important de visualiser la hauteur et la largeur ultime d’un arbre que vous êtes en train de considérer pour une situation; un trop grand arbre va être non simplement hors échelle, mais il va éventuellement empiéter sur d’autre structures et d’autres plantes et peut-être il va falloir l’enlever.”

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Ornamental Trees, d’Evelyn Maino et Frances Howard, University of California Press

“L’espacement des arbres est important. Ils devraient être plantés assez loin de toute structure et les uns des autres pour permettre un bon développement. Les arbres spécifiques diffèrent dans leurs exigences d’espace.”

[A noter: Ce livre d’architecture du paysage ne fait pas de distinction entre les dimensions de maturité et de design, comme a fait certains de mes professeurs de ‘landscape horticulture’]

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Ornamental Shrubs for Use in the Western Landscape (Arbustes ornementaux) 

d’Emile Labadie, Sierra City Press

“Le placement dans le paysage est le plus important. Le vieux dicton est ‘la plante appropriée pour la place appropriée’. Cela veut dire qu’il faut connaître les caractéristiques de la plante. Un arbuste de trois mètres devant une fenêtre d’un mètre va demander beaucoup d’entretien à moins que vous voulez qu’il soit à sa taille normale. La taille ultime d’une plante est quelque chose que les gens négligent à prendre en compte.”

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La ville de Rocklin, Californie

“Les arbres rivalisent les uns aux autres pour la lumière et l’humidité du sol, et une telle compétition peut réduire la croissance ou peut causer des branches de mourir. Normalement, les arbres devraient être plantés à une densité et un espacement qui va permettre à chaque arbre d’atteindre sa taille mature sans plus de 10 à 20% de chevauchement des canopées des arbres adjacents. Par exemple, des arbres avec une largeur à maturité de 9,1 mètres devraient être placés pas plus près que 7,3 à 8,2 mètres de distance. Plus de chevauchement est possible quand les arbres adjacents sont présents seulement sur un ou deux côtés, tels que les arbres plantés en ligne. Utilisez le minimum ou pas de chevauchement entre les                                                                       canopées adjacentes si elles sont entourées par des arbres sur plus de deux côtés. Aussi, dans les sites sec, sans ou avec peu d’arrosage, les arbres devraient être plus espacés (au même niveau ou plus que la largeur de la canopée mature pour réduire la compétition pour l’humidité du sol.”  

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fao.org

“Espacement de plantations:

En observant les arbres et les arbustes qui poussent dans des conditions naturelles, il est souvent trouvé qu’ils poussent très loin les uns des autres dans les régions avec peu de précipitation. Par conséquent, un espacement éloigné dans les zones arides devrait être pratiqué pour éviter la concurrence pour l’humidité du sol.”

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L”Université de Missouri

“Ne plantez pas les arbres plus près que la moitié de leur taille à la maturité.”

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Portland Oregon. gov [climat pluvieux et très humide]

“Les lignes directrice pour localiser les arbres

Tree Location Guidelines 

… Les arbres ne devraient pas être plantés plus près que:

*7,5 m du caniveau d’une intersection.

*7,5 m des lampadaires. Si une espèce étroite est utilisée, la distance peut être réduite à 4,5 m.

*6,1 m d’arbres adjacents. Cela dépend des espèces.

Espacement des arbres … déterminé par la largeur de la canopée mature de l’espèce sélectionnée. L’espacement standard minimal permis est 6 mètres.”

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New York City Parks  [climat pluvieux et très humide]

“Espacement minimal des arbres:  6-9 m

Espacement minimal des lampadaires du tronc: 7.5 m”

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Seattle.gov, l’Etat de Washington  [climat pluvieux et très humide]

“Distance de plantation minimale: 

petits arbres:  6 à 7.6 m

petits à moyens: 7.6 à 9m

moyens à grands: 9 à 10,6 m

arbres de grande échelle: 10.6 à 12m”

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Ville de Vancouver, La Colombie-Britannique  [climat pluvieux et très humide]

“Distance de plantation moyenne: 

petit arbre: 8 -10 m

moyen: 8 -10 m

grand: 9 -11 m”

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Ville de Berkeley, Californie  [climat humide, longue saison sans pluie]

“… 4,6 m: …intersections, poteaux et lampadaires (pour les arbres de taille moyenne)

6,1 m: …intersections, poteaux et lampadaires (pour les arbres de  grande taille)

… Les distances entre les arbres de rue et les emplacements de plantation doivent être au minimum la largeur moyenne de la couronne de la taille mature de l’arbre existent (petit = 6,1 m, moyen = 9,1m, grand = 12,1 m)

L’espacement des arbres de la rue devrait promouvoir la création d’une canopée continue d’arbres. Ce faisant dépend de la taille mature attendue de l’arbre. En général, espacez les nouveaux arbres pour qu’ils puissent établir une canopée mature sans que les branches croisent les branches de chaque arbre adjacent, pour éviter la concurrence et pour prévenir les maladies. … Les arbres …  devraient être installés de façon de promouvoir la santé soutenue des arbres.”

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Ville d’Oakland, Californie  [climat humide, longue saison sans pluie]

“Spécifications standards pour la plantation des arbres de rue

Espacement minimum:

Petit, canopée de 6-9 m: espacement de 4,5 à 6 m

Moyen, canopée de 9-12 m: espacement de 6 à 7,6 m

Large, canopée de 12-15 m: espacement de 7,6 à 10,6 m”

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[Etude experte de la foresterie urbaine pour Oak Park, Chicago, Illinois] [climat pluvieux et humide]

Natural Path Urban Forestry, 2015
Citation: Duntemann, Mark and Nicole Stuart, 2012, Natural Path Urban Forestry Consultants 

“Une question critique pour les communautés aujourd’hui est, ‘Comment est-ce qu’on peut maximiser la canopée d’un arbre?’ Le chemin le plus direct est de planifier pour un environnement qui optimise la santé des arbres, l’envergure de la canopée, et la longévité. Quatre stratégies qui servent à cet objectif sont:

1) La selection d’espèces appropriées.

2) L’optimisation de l’espace de l’air, l’espace du sol, et la distance de l’infrastructure.

3) En assurant un environnement de sol sain.

4) Maintenant la santé maximale des arbres pendant leur vie.

La question de l’espacement

En évaluant un échantillon de segments de rues à Oak Park, les questions suivantes ont été identifiées:

1) La distance moyenne entre les arbres est à peu près 9.1 mètres. La plupart des espèces concernées ont des couronnes à maturité d’une largeur de 15,2 à 18,2 mètres.

L’espacement moyen noté veut dire que la compétition des couronnes est signifiant.

2) La compétition des couronnes a supprimé le développement des couronnes parmi une grande portion de la population. Cette suppression veut dire que la contribution des couronnes n’est jamais entièrement réalisée, et la vie des arbres est substantiellement  écourtée dans le groupe d’arbres en question.

3) La compétition des couronnes a considérablement augmenté le volume de bois mort dans une proportion substantielle des arbres.

4) Un grand nombre d’arbres ont été plantés moins de 2 mètres des vannes d’arrêt d’eau, de lampadaires, et des bornes d’incendie. Réparations de ces choses qui nécessitent l’excavation va affecter négativement l’arbre adjacent. Cet effet aura le résultat de l’enlèvement d’arbres, de la santé diminué, et de la vie écourtée.

Toutes les questions ci-dessus résultent d’espacement inadéquate. Ce contexte n’est pas rare, comme la plupart des banlieues de Chicago affrontent des problèmes similaires. La solution est de développer et d’articuler des stratégies qui placent les arbres aux distances optimales les uns des autres et de créer une infrastructure qui va permettre la fermeture des couronnes en maximisant l’envergure des couronnes.

L’objectif n’est pas de créer des paysages d’arbres qui prévoient rigidement que tous les arbres soient grands à maturité, et non plus que tous les arbres soient espacés de 15,2 mètres – la nouvelle distance que le Village considère. L’importance de la variation des dimensions verticales et horizontales ne peut pas être ignorer. Des espèces plus petites permettent de la variabilité dans la distance de l’espacement, qui peut être plus étroite selon l’espèce d’arbre. Néanmoins, l’emphase devrait être placée sur l’espacement de grands arbres à leurs distances maximales et en plaçant l’emphase sur la plantation de grands arbres. Ces recommendations reflètent le plus grand respect pour l’investissement dans les arbres parce qu’elles promettent le plus grand rendement d’un investissement partagé.”



Addendum: le 7 mai 2024

Récemment à La Campagne Pastré j’ai remarqué des des graffitis à caractère politique horticole sur des conteneurs de recyclage et d’ordures. Tandis que je désapprouve par principe tout graffiti dans l’espace public, j’approuve la dénonciation par l’auteur du terrible élagage d’un certain nombre d’arbres qui dénature et gâche la beauté d’un paysage qui se veut expressément naturaliste.

Je partage le constat négatif de la première inscription que l’on rencontre en marchant le long de la route d’entrée goudronnée : “Stop au massacre des vieux pins parasols”.

Le long de la route d’accès pavée, la forêt du côté nord, composée de pins d’Alep et d’énormes et de majestueux pins parasols, était autrefois superbe. Cependant, certaines des tailles effectuées récemment sont horribles.

Hideux ! Ces deux troncs secondaires qui vont graduellement pourrir auraient dû être taillés près du tronc principal de ce pin d’Alep.
Des moignons de taille laids comme ceux-ci sur ce pin d’Alep sont trop longs pour cicatriser et pourriront après de nombreuses années.
Sur ce pin parasol a plupart de ces moignons de taille s’étendent trop loin du tronc pour pouvoir cicatriser. A droite, on peut voir un vieux moignon de taille dont l’écorce a pourri, qui a séché et qui restera longtemps en place en se décomposant.

Avant, j’admirais cette ligne de vieux pins parasols imposants que l’on peut vraiment apprécier car bien distancés et donc bien définis, la pratique traditionnelle en Italie et sur la Côte d’azur. Le bosquet bien plus jeune de pins parasols alignés à droite de l’entrée est beaucoup plus dense et donc les arbres individuels manquent totalement de définition.

Plusieurs mauvaises coupes d’élagage.
La seconde tag critique, je la seconde moi aussi: “Mauvais coupeurs de branches, arrêtez de massacrer les chênes verts.”
Pour la troisième écriture, je comprends le sentiment ainsi que la critique en ce qui concerne spécifiquement le chêne vert récemment étêté à quelques mètres de là, mais je ne partage pas l’analyse générale. Réflexivement résistant à ce qu’il perçoit comme juste un autre arbre maltraité et massacré, ils ignoraient la motivation, la sécurité publique. Le chêne vert est en train de mourir et la réduction du risque de chute de branches est une mesure justifiée.
Arbre malade, cette solution pour mitiger le danger des chutes de branches produit un résultat laid, incompatible avec un parc naturaliste. Vu l’opposition souvent véhémente des défenseurs des arbres, cet élagage sévère représente peut-être un compromis. Ce chêne vert aurait dû être enlevée. La souche d’un autre chêne enlevé précédemment est apparente à l’arrière-plan. Espèce à feuilles persistantes couverte de feuilles et de branches mortes, il n’est pas difficile de déduire que cet arbre est moribond.

Si l’on analyse ce paysage en face du champ herbeux, on voit au moins sept souches d’arbres. A l’autre bout de la ligne se trouvent deux chênes verts complètement recouverts de feuillage brun et mort.

Par définition, les chênes verts ne sont pas des arbres à feuilles caduques. Cet arbre devra malheureusement être enlevé par la suite.
Peu de feuilles vertes sur ce Quercus ilex, chêne vert. Comme son cousin californien, Quercus agricola (chêne vivant de la côte), que je connais bien, il est sensible au champignon de la racine du chêne, Armillariella mellea, qui est peut-être le parasite ici.

J’étais déjà familiarisé avec l’histoire de cette ancienne ligne de chênes verts, qui sont devenus décrépits l’un après l’autre et ont dû être abattus. Une fois, je me trouvais sur la pelouse adjacente lorsque les arboristes sont arrivés pour enlever un chêne vert mort.


Il est peu fréquent que je trouve à Marseille des personnes qui partagent mes critiques sévères contre les mauvaises pratiques de taille qui sont tellement communes. Quand je le fais, le plus souvent je rencontre des puristes ignorants qui s’opposent totalement à toute intervention, même si elle est justifiée ou souhaitable.

La taille est légitime et désirable :
-pour établir une bonne structure pour le développement futur, en adaptant l’arbre à son espace particulier ;
-pour le passage des véhicules et des piétons ; -pour résoudre le confit avec la présence de structures et d’autres arbres, etc.; -pour éliminer le bois mort et les branches malades qui risquent de tomber sur les personnes ;
-et pour améliorer l’esthétique de l’arbre, en améliorant sa forme par une taille sélective discrète.

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