Pour les enthousiastes du “fine gardening” à travers le monde, parmi les traditions les plus appréciées figurent l’anglaise et la japonaise. Par comparaison, le jardin provençal ordinaire, simple en termes de conception et d’entretien, est sous-estimé. Malgré des oppositions fondamentales avec les traditions susmentionnées en ce qui concerne la conception, l’esthétique, l’entretien et la relation avec la nature, l’aménagement paysager provençal conventionnel mérite plus d’attention de la part des passionnés du jardin. La “Marseillais touch“, une variante très “spéciale” du jardin provençal familier, vaut une exposition approfondie.
Contrairement à l’arrogance suprême qui caractérise parfois les adeptes du jardin ornemental avertis des cultures bourgeoises anglo-saxonnes, où la familiarité avec l’art du jardin et l’horticulture est depuis des siècles considérée comme un signe de raffinement, à Marseille, le jardinage ornemental est accessible à tous, simple et égalitaire. Il n’est pas nécessaire de faire des études de fond ni même d’apprendre les principes de base de l’horticulture. L’intelligence est peu requise. La connaissance des plantes, des noms botaniques latins, y compris des cultivars, n’est pas nécessaire. Tout est facile. Le design est simplement une question de goût personnel, pas plus compliqué que la tenue vestimentaire.
Pour être qualifié de jardinier professionnel, le principal critère est de posséder des outils, en particulier des outils motorisés. Par exemple, il y a quelques années, dans la section ” jardinage” du Bon Coin, une publicité présentait un jardinier typique armé d’un arsenal d’outils du métier, avec environ six machines puissantes permettant de réaliser les tâches de jardinage avec rapidité, entièrement équipé pour bien gérer les plantes de son paysage. Un “master gardener” pour la culture marseillaise.
Les snobs sophistiqués du jardinage fin influencés par l’esthétique anglaise et néerlandaise doivent ouvrir leur esprit, surmonter leurs préjugés (horti)culturels et commencer à reconsidérer le style de jardinage marseillais tant décrié. Il est ethnocentrique de condamner le massacre coutumier des plantes, parce que pour un Marseillais, “bien taillé”, c’est beau et tout à fait normal.
Sans parler des bénéfices psychologiques pour les résidents qui sont déprimés par des espaces publics négligés et une culture de laissez-faire généralisée qui pourrit la vie quotidienne. Chaque quartier de Marseille offre aux passants anxieux, des expériences de jardins privés apaisantes, les rassurant sur la domination humaine sur la nature, chaque plante étant bien maîtrisée. Le contrôle et l’ordre sécurisent.
Pour les vrais adeptes des jardins, le centre-ville peut être extrêmement déprimant, une jungle de béton où la seule verdure est constituée d’arbres de rue, d’ailanthes et d’autres mauvaises herbes, en plus des paysages de trottoirs des résidents composés de plantes en conteneurs, dont la plupart sont franchement mal conçus, peu attrayants et négligés.
En marchant dans la rue, parfois on aperçoit les parties supérieures souvent déformées par une mauvaise taille des arbres et des grands arbustes des jardins privés qui dépassent les hauts murs défensifs. Rares sont les bâtiments situés en retrait de la rue avec un jardin devant, ostensiblement pour le plaisir des citadins qui malheureusement n’ont généralement aucun rapport avec la nature. Quand de tels jardins de rue existent, ils sont pour la plupart inintéressants et souvent affreux pour les connaisseurs de l’art du jardin habitués à admirer de beaux paysages.
Le jardin suivant est emblématique de l’approche traditionnelle de la conception et de l’entretien des paysages à Marseille. Le paysage consiste en un alignement de plates-bandes rectangulaires surélevées, entourées d’une mer d’asphalte devant un grand immeuble et bordées d’une ligne parallèle d’arbres de rue qui semble être publique. Le jardin vient d’être entièrement rénové à la marseillaise, c’est-à-dire soumis à une boucherie. Il ressemble à une zone de guerre parce qu’il s’agit en fait d’une guerre abominable contre la nature. Ce jardin, que j’appellerai le Jardin Desolation Row, se trouve sur la rue du Camas près de son intersection avec la rue Saint Pierre (5ème).
La conception générale s’inspire de l’héritage des cours médiévales et des jardins classiques français: des arbres et/ou arbustes aux centres des plates-bandes rectilignes, dont les périmètres sont délimités par des haies basses, surtout du buis. Ici, par contre, les haies basses ne sont pas composées d’arbustes à croissance lente ou de petite taille à maturité, faciles à gérer, acceptant une taille lourde, mais d’arbustes de grande taille, à croissance rapide, qui sont déformés en permanence, longtemps défoliés et affaiblis par une taille drastique à répétition.
L’arbuste utilisé presque exclusivement est l’éléagnus, Eleagnus x ebbengei, un arbuste à croissance rapide qui, s’il n’est pas contrôlé, atteindra une grande taille: 4 mètres de haut et de large. Également présents dans les haies basses d’éléagnus sont: deux troènes spontanés, Ligustrum lucidum; deux althéas, Hibiscus syriacus; quelques buissons ardents, Pyracantha; et un laurier-cérise, Prunus laurocerasus. Tous ces arbustes qui sont de grande ou moyenne taille ne conviennent pas du tout pour former une haie basse. (Voir la discussion à la fin de cet article: Les haies provençales.)
Ce paysage pathétique, désolé et mal conçu pourrait être entièrement refait, redessiné par quelqu’un de compétent.
En ce qui concerne la manie marseillaise de massacrer les lauriers-roses, aussi appelés oléandres, je me demande pourquoi. Bien placés, ils nécessitent peu de taille autre que quelques branches qui s’étendent trop largement, l’élimination du bois mort et des drageons basaux, et l’amélioration esthétique.
Pendant ma jeunesse, j’ai entretenu le jardin familial en banlieue de Los Angeles, y compris un écran informel composé de lauriers-roses bien espacés devant une clôture en bois de séquoia, deux groupes de trois arbustes (rose, blanc et rouge), avec un Jacaranda mimosifolia entre les deux. Je n’ai jamais étêté ou déformé par une mauvaise taille aucun des oléandres. Ce n’était pas une haie formelle, un usage inapproprié pour cette espèce. Chaque année, ils fleurissaient abondamment sans les étêter, ce qui est considéré comme essentiel pour une bonne floraison à Marseille.
De même, ni notre lilas des Indes, Lagerstroemia indica, ni celui de notre voisin n’ont jamais été étêtés et ils ont fleuri splendidement, montrant bien leur structure de branches naturellement belle et leur écorce qui pèle, sans signes de taille apparente.
Le clivage horticole français-anglais est prononcé pour la taille des arbres et arbustes à fleurs. Dans l’approche gauloise, la forme naturelle d’une plante est souvent sacrifiée pour assurer ou augmenter la floraison, alors que dans l’esthétique anglo-saxonne, une déformation structurelle irrémédiable d’une plante ligneuse est inacceptable. Par exemple, pour les arbustes à drageons comme le forsythia et le seringat, ces arbustes sont généralement sévèrement étêtés en France, alors que ce que mon professeur d’horticulture à Oakland, Emile Labadie, recommandait dans Ornamental Shrubs for Use in the Western Landscape était de simplement “couper périodiquement le vieux bois jusqu’au niveau du sol” pour les rénover et promouvoir une bonne floraison. Une opposition culturelle identique existe pour Nandina domestica. Selon Labadie pour Nerium oleander: ” Le vieux bois peut être coupé jusqu’au niveau du sol. Certaines branches peuvent être étêtées pour contrôler la croissance.”
D’après le Sunset Western Garden Book, (Menlo Park, Californie)
pour le laurier-rose: “La taille de routine n’est pas nécessaire, mais vous pouvez avoir besoin de tailler pour guider la croissance. Pour contrôler la taille et la forme, coupez les tiges les plus anciennes jusqu’au sol avant le début de la croissance printanière. Pour éviter la prolifération de tiges à la base, arrachez (ne coupez pas) les drageons non désirés. Pour renouveler une vieille plante inesthétique, coupez-la au sol avant la nouvelle croissance au printemps.”
Dans la Vallée centrale de Californie, une région agricole chaude et aride, des kilomètres de lauriers-roses s’étendent à perte de vue sur les terre-pleins centraux et bords des autoroutes. Les grands arbustes arqués sont plantés en ligne à plusieurs mètres les uns des autres afin de conserver une belle forme naturelle, d’éviter une taille superflue et coûteuse, de réduire la concurrence des plantes voisines pour les rares eaux de surface et d’économiser, en évitant l’incroyable surplantation si endémique aux paysages marseillais. Pendant des mois, il y a une explosion de couleurs, de rose, de blanc et de rouge, sans aucune taille. Contrairement aux oléandres entassés et massacrés de Marseille, ils sont beaux, le produit d’une conception intelligente.
Voyons quelques autres paysages à Marseille où les oléandres sont utilisés:
Le paysage suivant, le Jardin minimaliste, consiste exclusivement de deux oléandres placés symétriquement de chaque côté de l’allée centrale, au milieu de grands carrés de terre couverts de mauvaises herbes, avec suffisamment d’espace pour leur permettre de grandir et de maintenir des formes naturelles améliorées par une taille sélective.
Cependant, pour une raison indéterminée, peut-être le mythe qu’ils ont besoin d’être étêtés pour les revigorer ou pour assurer une bonne floraison, ils reçoivent chaque année la coupe classique “French flattop”. Il faut noter que la taille lourde inutile qui déforme les arbres et les arbustes de manière permanente génère des revenus réguliers.
L’étêtage extrême provoque une profusion de drageons et de ramifications denses, une croissance dans tous les sens, accentuée à l’horizontale, ruinant la forme naturelle d’un arbuste plutôt vertical, à forme arquée.
On aurait pu adopter une approche diamétralement opposée, en travaillant avec la nature, en favorisant la croissance verticale plutôt qu’en la supprimant. Une taille sélective aurait permis d’établir une belle structure à troncs multiples bien définie, maintenue par l’élimination régulière des drageons et des branches latérales basses indésirables, comme j’ai fait pendant ma jeunesse et depuis. Le laurier- rose s’adapte à être formé comme un petit arbre de rue à tronc unique, ce qui est courant sur la Côte d’Azur et à Santa Barbara en Californie.
Comme dans le cas du jardin Desolation Row, ce jardin vide devrait être entièrement refait et bénéficierait d’un nouveau plan d’aménagement paysager. Cet espace, exposé au sud, a un bon potentiel. Il pourrait être agrémenté de petits arbres et/ou de grands arbustes, principalement à feuilles caduques, ainsi que de petits arbustes et de plantes couvre-sol pour créer un paysage complet. Les jardins en bordure de rue sont rares. Dommage qu’une fois de plus, celui-ci n’ait pas grand-chose à offrir aux passants en termes de beauté naturelle.
Le plus souvent, lorsque des lauriers-roses sont incorporés dans un aménagement, l’espace accordé n’est pas suffisant pour qu’ils se développent pleinement et le recours inévitable est une taille sévère qui ruine à jamais la forme et la beauté naturelles de l’arbuste. Composer une haie formelle taillée avec des oléandres est une très mauvaise idée, car les branches arbitrairement coupées n’ont plus guère de feuillage et le résultat est hideux. Les haies informelles peuvent être attrayantes si chaque arbuste a assez d’espace pour grandir, en étant éloigné des murs, des clôtures, des allées et des autres arbustes, ce qui évite d’avoir à tailler de manière défigurante. Malheureusement, ce n’est généralement pas le cas.
Le jardin suivant sur la rue Jean Mermoz (8ème) illustre ce défaut de conception courant. La bande de plantation d’environ un mètre de large est prise en sandwich entre une allée intérieure et une clôture métallique et le trottoir public de l’autre côté, une recette pour un désastre. C’est le Jardin des lauriers-roses écrasés.
L’utilisation de lauriers-roses écrasés comme pare-vue dans cette situation est une mauvaise solution, un échec comme écran et barrière. Une clôture solide permettrait de préserver l’intimité. Et les clôtures métalliques transparentes, y compris en fer forgé et Cyclone, peuvent servir de treillis pour les plantes grimpantes qui font écran.
Les possibilités de plantes pour un écran d’arbustes qui n’auraient pas besoin d’être fortement taillés, évitant ainsi la solution de la haie formelle, sont limitées. Idéalement, les arbustes devraient atteindre une taille d’au moins 2 mètres et rester relativement étroits. Dans la famille des épines-vinettes, Berberidaceae, il existe un certain nombre d’espèces qui pourraient remplir cette fonction, comme certains mahonias et le nandina.
Nandina domestica serait parfait ici au lieu des oléandres écrasés. Son nom commun est bambou céleste, mais ce n’est pas un bambou. Il possède de nombreux atouts. C’est un arbuste à croissance lente qui s’étend lentement par drageonnement et qui nécessite peu de soins. Le nouveau feuillage est bronzé et, à l’automne, le feuillage peut rougir. En hiver, le nandina se couvre de baies rouges très attrayantes.
A Marseille les limites des propriétés sont typiquement défendues par des barrières : de hauts murs traditionnellement avec des éclats de verre incrustés, des haies d’arbustes denses et impénétrables, des plantes grimpantes au sommet des clôtures, etc. Les barrières peuvent être substantielles, multiples, élaborées comme des fortifications militaires et des prisons, comme dans le jardin suivant bordant le tramway T-1 près d’Air-Bel, avec ses doubles rangées d’obstacles pour décourager l’intrusion. C’est le Jardin de la Citadelle.
Dans le paysage où j’habite, j’ai planté un jasmin étoilé pour couvrir tout le grand mur du fond, et deux bignonias pour couvrir une palissade un peu moche: un Pandorea jasminoides de couleur rose et un Clytostoma callistegioides de couleur lavande, probablement le seul à Marseille, car il est inconnu dans la région.
Les fleurs du clytostoma rappellent sa cousine sud-africaine plus rose, Podranea ricasoliana, que l’on voit dans les paysages locaux, se développant vigoureusement de manière incontrôlée, grimpant sur tout, étouffant les arbres. J’ai rencontré la podranea pour la première fois à Porto Vecchio, où une seule plante recouvrait toutes les plantes d’un jardin boisé d’un hectare. Un cauchemar d’entretien qu’il vaut mieux éviter. Le Clytostoma est une alternative plus civilisable.
À quelques pas du jardin de Desolation Row se trouve un autre paysage qui a récemment été le théâtre d’une bataille contre la nature, produisant également une zone dévastée, victime d’un cercle vicieux de mauvaise conception traitée par un élagage épouvantable. Les robiniers, Robinia pseudo acacia, ont été soignés, leurs branches latérales amputées, les laissant ressembler à des poteaux téléphoniques ou à des cure-dents. Les vieux lauriers-roses ont également été contrôlés, étêtés; ils ont reçu le French flat top classique.
Ce jardin, situé de l’autre côté de l’allée du Collège Fraissinet, est un bon échantillon du design de jardin de type “no man’s land”, assez répandu dans cette région. Il se caractérise par un vide central massif et un périmètre de propriété densément planté d’arbres et d’arbustes tout contre les murs ou les clôtures. Le placement problématique des plantes est traditionnellement résolu en employant des mesures draconiennes. Devrait-on nommer ce jardin à deux dimensions le Jardin de la ligne de propriété ou le Jardin du No Man’s Land ?
Ce jardin aplati a besoin d’être radicalement repensé, d’être réaménagé. Un plan de succession pourrait être mis en œuvre par étapes. Tout d’abord, le vaste espace intérieur vide pourrait être aménagé. Une fois que les nouvelles plantes auront atteint une taille suffisante après plusieurs années, les anciennes plantes du périmètre pourraient être enlevées et remplacées par des plantes appropriées, y compris des plantes grimpantes sur le grillage peu attrayant.
Les lauriers roses sont également mal utilisés dans un jardin de topiaires sculptées dans la rue Saint Pierre, en face de l’hôpital La Timone. Avec le lentisque, Pistachier lentiscus, et l’élagnus, ils sont l’élément principal d’une masse dense d’arbustes taillés en une curieuse forme ondulatoire. C’est le Wave Garden.
Le Rock Garden, voisin du Wave Garden, doit être mentionné au passage. Auparavant, le sol était recouvert de lavande, de tissu paysager et d’un système d’irrigation au goutte-à-goutte en surface. La lavande et l’arrosage ont disparu pour être remplacé par du gravier et et des clôtures minables anti-chiens, un xériscape. Quelle amélioration!
Photo- double rangées de lauriers-roses- Boulevard Urban Sud
Après l’expérience déprimante de passer devant le jardin dévasté de Desolation Row, juste en remontant la rue du Camas, à son intersection avec le boulevard Jeanne d’Arc et d’autres rues, les adeptes du jardinage se consoleront en découvrant quelques plantes dans des paysages bien conçus.
L’entrée du jardin privé suivant est un véritable plaisir pour les yeux. Au-dessus du joli mur d’écran et de sécurité se trouvent un Brugmansia x candida ‘Grand Marnier’ d’un côté du portail d’entrée et un rosier blanc grimpant de l’autre côté. À l’intérieur, un agrume et un autre brugmansia contribuent à l’ambiance subtropicale. Ce jardin d’entrée est bien sûr conçu pour le plaisir des propriétaires, mais aussi pour le public qui traverse cette intersection. C’est le Jardin Charmant.
La vue à travers l’intersection sur les espaces verts publics est vraiment agréable. D’abord le rond-point compte un seul arbre, un Magnolia grandiflora, qui prospère car ses racines extensives en surface n’ont pas été pavées. Excellent aménagement paysager à entretien minime.
Puis, un immense pin parasol, Pinus pinea, domine la rue depuis le jardin des enfants, le Jardin Maurel.
Dans un rayon considérable autour de mon domicile dans le quartier du Camas, la verdure au bord des rues est rare. A l’exception des grands boulevards arborés, les arbres de rue n’ont historiquement pas été envisagés pour les rues étroites. Il y a très peu à voir depuis la rue en termes de jolis jardins privés.
Mon itinéraire alternatif vers la place Sébastopol inclut une partie pittoresque verte sur la rue Jaubert. Des poiriers ornementaux, Pyrus calleryana, avec des fleurs blanches au printemps et des couleurs automnales, verdissent la rue à un coin. Au coin suivant un grand cèdre du Liban domine la rue devant un immeuble.
Ensuite, une immense propriété a pour toile de fond de son jardin un bois naturaliste bordant la rue. Malheureusement, l’ailante, l’arbre exotique le plus envahissant de la région, a été laissé s’implanter en marge de cette forêt urbaine. Puis, il y a quelques années, la plupart des arbres le long de la rue, y compris l’ailante, ont été étêtés de façon primitive, ce qui les a rendus absolument laids. L’ailante a réagi à l’étêtage extrême en drageonnant partout, y compris le long du mur sur le trottoir. Voir mon article: “L’ailante: arbre exotique envahissant, un fléau pour le jardin et la nature à Marseille et ailleurs”. Ce jardin violé est devenu le Bois des arbres écimés.
Dans la rue Le Camas, tout près de chez moi, il y a un jardin devant une maison qui ne fait rien pour verdir le vide qui l’entoure. Chaque année, le petit mûrier noueux est taillé en têtard et le troène est massacré. C’est le Jardin du paysan figé.
Les jardins privés visibles de la rue à proximité immédiate de mon domicile sont généralement à éviter pour les personnes qui aiment vraiment les plantes. Pour moi il y a une seule chose d’intérêt paysager que je peux apprécier, un pittosporum de Chine, Pittosporum tobira, perché au-dessus du mur et du trottoir qui a échappé au massacre motorisé, si caractéristique du paysage plus haut dans la rue Louis Braille, à la copropriété Le Semiramis. Voir mon article qui contient Le Semiramis: “Abattage d’arbres à Marseille pour rivaliser avec les voisins”.
Conclusion
Dans le désert (horti)culturel de Marseille, peu de réalisations de jardins dans l’espace privé sont soigneusement et bien planifiées, créatives, s’écartant des conventions de conception ennuyeuses qui prévalent. L’aménagement paysager habituel impose un régime d’entretien qui prévoit un contrôle constant et coûteux des plantes par un élagage extrême, destructeur de formes, produisant des paysages incroyablement laids.
Mais personne n’est dérangé par ce mauvais traitement de la nature comm il devrait l’être, et personne ne proteste ou ne se révolte. Des œillères culturelles empêchent une réévaluation sérieuse de l’héritage horticole du patrimoine. Il faut malheureusement en conclure qu’il n’y a pas un intérêt évolué pour le jardin ornemental, et plus généralement, pour le monde des plantes et la nature. Les rare beaux jardins qu’on voit de la rue et qui enrichissent la vie quotidienne sont à contre-courant de la culture locale.
En tant qu’amoureux des plantes et des jardins, je suis perdu et frustré à Marseille. J’en suis réduit à me rémémorer les jardins devant les maisons que j’avais tant de plaisir à admirer dans ma Californie natale, des jardins que les propriétaires étaient souvent fiers de créer pour le plaisir du public, un concept plutôt étranger ici.
Voici quelques exemples de paysages de devant de maison très agréables à rencontrer dans différents coins de la Californie.
Les plantes originaires de Provence et de la région méditerranéenne sont depuis longtemps populaires dans le monde du jardinage anglo-saxon. De nombreuses variétés cultivées ont été hybridées par des horticulteurs britanniques et américains. Par exemple, les cistes, originaire de la région méditerranéenne, sont depuis des décennies plus fréquents dans les jardins californiens qu’en Provence. J’en ai planté beaucoup. En parcourant la liste des variétés cultivées de Cistus, les noms anglais prédominent, témoignant du fait qu’ils sont très appréciés par les horticulteurs anglo-saxons: Cistus pulverulentus ‘Sunset’; Cistus crispus ‘Santa Cruz’, ville de la baie de Monterey en Californie; Cistus x purpureus ‘Doris Hibberson’; Cistus × lenis ‘Grayswood Pink’; Cistus ‘Ann Baker’; Cistus ‘Victor Reiter’.
Victor Reiter a été un horticulteur de renom à San Francisco, également responsable de la préservation d’un remarquable arbousier hybride à trois espèces, Arbutus x reyorum ‘Marina’, ((Arbutus unedo x A. andrachne) x A. canariensis) qui est devenu un arbre très populaire sur la côte ouest. J’en ai planté un à Berkeley. J’ai planté peut-être le seul Arbutus ‘Marina’ à Marseille, où il est le point focal du jardin de ma résidence.
Il y a 45 ans, j’ai planté mes premiers cistes: Cistus x crispatus ‘Warley Rose’ comme couvre-sol sur une pente sèche dans un jardin d’Oakland. Les cistes sont très utilisés dans les paysages du Golden Gate Park à San Francisco, où ils prospèrent dans les sols sablonneux secs.
En Provence, au cours des années récentes, les architectes paysagistes ont finalement commencé à sérieusement s’intéresser à l’utilisation de plantes indigènes locales et d’autres espèces du climat méditerranéen dans les paysages urbains, mais le même phénomène ne s’est pas développé dans une large mesure dans les paysages résidentiels où l’on voit toujours les mêmes plantes mal utilisées partout et très peu d’expérimentation des possibilités offertes par la flore indigène etc..
Mon jardin informel de style californien à Marseille a été conçu presque exclusivement avec des plantes de climat méditerranéen, dont une quinzaine d’espèces originaires de notre région et cinq de Corse.
Finalement, voici deux jardins de devant de maison dans les collines de Berkeley, de mes anciens clients de longue durée, que j’ai rénovés.
Le premier jardin est une avant-cour ombragée exposée au nord qui comportait à l’origine une grande pelouse carrée avec des jardinières très étroites, dont l’une avec une haie formelle d’Azara microphylla, une espèce inappropriée qui était toujours faiblement feuillue après avoir été taillée. J’ai éliminé la haie ratée, installé une nouvelle pelouse et un système d’irrigation automatique, et reconfiguré les jardinières. Plusieurs voisins m’ont exprimé leur gratitude pour cette amélioration qui a embelli leur rue.
Les deux photos suivantes ont été prises plusieurs années après mon installation en France dans un autre jardin à Berkeley où j’ai travaillé pendant 25 ans pour le professeur d’anatomie et de médecine de l’Université de Californie à San Francisco, le docteur Myriam Simpson, (dont son collègue a découvert la vitamine E. Dr. Simpson est venue à deux reprises à La Timone pour des conférences et a reçu un doctorat honorifique en sciences de l’Université d’Aix-Marseille).
Le jardin a été très bien conçu au milieu du 20ème siècle par Dr.Simpson elle-même, une jardinière passionnée et amoureuse de la nature, qui a été inspirée par les forêts côtières noyées dans le brouillard au nord de San Francisco pour composer sa propre forêt de la côte nord comme toile de fond sur la pente raide supérieure, avec des séquoias, des lauriers de Californie, des chênes verts, des érables à grandes feuilles, des marronniers de Californie, des sapins de Douglas, des noisetiers, des myrtilles, plusieurs espèces de fougères et d’autre plantes indigènes. Le premier plan était toujours informel mais plus raffiné, de style boisé anglo-américain (English woodland), avec de nombreuses plantes indigènes et des plantes telles que des bouleaux, des liquidambars, un érable japonais, des rhododendrons, des camélias et des fuchsias.
Mes rénovations ont été réalisées dans la même veine. J’ai introduit de nombreuses autres espèces de plantes indigènes, ainsi que des exotiques. Dr.Simpson et moi-même étions tous les deux membres du Sierra Club, qui a été à l’origine de la création du système des parcs nationaux.
La première photo est de l’espace devant que j’ai réaménagé. Au premier plan à gauche, un Ceanothus ‘Ray Hartman’, hybride de deux espèces californiennes. À droite, un sumac originaire de la région de Santa Barbara, Rhus ovata. Sur la clôture en bois (récemment remplacée), jasmin étoilé. À l’arrière-plan, à gauche, d’imposants “redwoods”, Sequoia sempervirens, longent le sentier public. Au-dessus du toit, on aperçoit à peine la toile de fond, la forêt composée exclusivement d’arbres, d’arbustes et de plantes couvre-sol indigènes de la côte nord.
Parce que le paysage est conçu pour la maturité, toutes les plantes ont suffisamment d’espace, nécessitent peu de taille et paraissent naturelles. Du point de vue du design, c’est l’antithèse de la villa française lourdement fortifiée, avec des murs imposants soutenus par de hautes haies formelles. Son écran partiel est conçu pour donner du plaisir visuel aux passants. Des mondes à part.
La deuxième photo a été prise de la promenade publique longée par d’immenses séquoias (que j’entretenais) qui borde ce grand jardin des collines de Berkeley. Comme la clôture en bois n’est pas haute et que les écrans végétaux sont partiels, les promeneurs peuvent découvrir le jardin en passant. Quand je travaillais, les passants faisaient souvent des compliments sur le jardin et, à l’occasion, je le leur faisais visiter.
Il y a tellement de jardins intéressants à Berkeley et Oakland, en particulier dans les quartiers aisés, que je faisais souvent des promenades avec ma femme pour les admirer. Les villes de la côte californienne comme Venice, Santa Monica, Monterey et Santa Cruz offrent de riches expériences aux afficionados des jardins.
Marseille, en revanche, choque les sensibilités évoluées. Va-t-elle finir par évoluer comme l’a fait Bormes-les-Mimosas, par exemple ? Sans un profond réexamen et sans influences extérieures, les progrès, s’il y en a, seront limités.
Les haies provençales
Les jardins de Provence sont généralement bordés de hauts murs et de hautes haies formelles qui servent d’écrans visuels et de barrières. Parmi les plantes typiques des haies taillées, on trouve le cyprès de Leyland, le photinia, le troène, le laurier-cerise, le laurier-tin, le laurier-rose, le pittosporum du Japon, le buisson ardent, et l’éléagnus. Ces arbres et arbustes, quand ils ne sont pas réduits par une taille sévère et répétée, peuvent atteindre les dimensions suivantes à l’âge adulte:
Le cyprès de Leyland, Cuppessacyparis x leyladii: 20 mètres de haut et 7 mètres de large.
Le photinia, Photinia x fraseri ‘Red Robin’: 10 mètres de haut et 8 mètres de large.
Le troène de Chine, Prunus lucidum: 14 mètres de haut.
Le troène du Japon, Prunus japonica: 6 mètres de haut.
Le laurier-cerise, Prunus laurocerasus: 9 mètres de haut et 9 mètres de large.
Le laurier-tin, Viburnum tinus: 3 mètres de haut et 2,5 mètres de large.
Le laurier-rose ou oléandre,Nerium oleander: 3-4 mètres de haut et 2,5 mètres de large.
Le pittosporum du Japon, Pittosporum tobira: 4 mètres de haut et 3 mètres de large.
Le buisson ardent, Pyracantha, beaucoup d’espèces: 2-6 mètres de haut.
L’éléagnus, Eleagnus x ebbengei: 4 mètres de haut et de large.
Il existe des variétés cultivées (c.v.) de certaines de ces plantes qui sont plus petites, voire naines.