Le 1 novembre 2022, par Larry Ménard
Où sont-ils, les défenseurs des arbres à Marseille lorsque les arbres sont grotesquement “taillés à la française”, ce qui peut les rendre malades et les fait mourir prématurément? Ils sont en train de protester contre tout abattage des arbres parce qu’il y a “toujours” des intérêts capitalistes, immobiliers impliqués, ce qui est trop souvent vrai. Mais ils s’opposent par réflexe à l’abattage de n’importe quel arbre, même lorsqu’il s’agit d’arbres malades dans l’espace public qui représentent un vrai danger.
La controverse concernant les sophoras du Japon, Styphnolobium japonicum, (de Chine en fait) aux Caillols en est un bon exemple. Ils sont presque tous malades, envahis par un champignon d’étagère ou polypore, (le polypore hérissé, Inonotus hispidus), juste comme beaucoup de sophoras au Parc Longchamp et sur une longue ligne à la Traverse Chante Perdrix dans le 10ème.
(photos aux Caillols, le 6 octobre 2020)
(photos à Chante-Perdrix, Saint-Loup, 10ème, le 20 octobre 2020)
L’année dernière, un sophora colonisé par un champignon près du Burger King (Chante Perdrix, 10ème) s’est fendu en deux.
Si quelqu’un s’était trouvé sous l’énorme section de tronc qui est tombée, il aurait pu être tué. Donc, enlever un arbre qui présente un danger public important est tout à fait justifiable, et pour moi, mieux que de le massacrer régulièrement, sans pitié pour empêcher la chute de branches, jusqu’à ce qu’il meure enfin. Il faut accepter la mort.
Je dois souligner que tous ces sophoras ont été massacrés pendant longtemps et que ces mauvais traitements sont très probablement à l’origine de leur colonisation par des polypores parasites. Cet hiver sur la Traverse Chante Perdrix, les sophoras très malades ont été “soignés” encore par la taille barbare à la française; comme ils sont beaux. Il y a une dizaine d’années, tous les arbres aux Caillols sur l’Avenue William Booth ont été massacrés, ce qui n’a choqué que moi. Un de mes parcours de course à pied passe par là et chaque fois que je voyais l’horreur, j’étais incrédule. “Comment peuvent-ils faire ça ? Quel mépris de la nature”, me disais-je. Où sont-ils, les défenseurs des arbres à Marseille? Ils ne protestent pas contre les pratiques d’élagage destructif, voire létales. Il n’y a que le fou californien pour faire ça.
Ma conjecture selon laquelle une mauvaise taille était le principal responsable de l’infection fongique et la mort des sophoras a été confirmée par certaines recherches.
Le site jardipartage.fr déconseille toute taille, (y compris le massacre à la tronçonneuse français): “L’arbre des pagodes développe naturellement une silhouette élégante et sculpturale. Mieux vaut donc ne pas le tailler, d’autant plus que le bois a tendance à pourrir assez facilement.”
Sur le site champis.net-Portail mycologique francophone: “Tous les Sophora japonica de la ville d’Alès en sont porteurs, ce qui ne prouve strictement rien sinon que l’espèce [Inonotus hispidus] affectionne cette essence”.
J’en conclurais qu’étant donné l’extrême sensibilité du sophora du Japon à ce polypore, ce n’est plus une bonne idée de le planter sans lui fournir un espace suffisant pour sa taille adulte et de limiter la taille à l’élimination du bois mort, et que c’est certainement une terrible idée de le massacrer comme c’est la pratique horticole courante à Marseille. Il est encore planté dans de nouveaux paysages.
Mon souci des effets délétères de la taille extrême et destructrice des sophoras du Japon trouve un écho chez Yves Delange: “Cet arbre robuste en tous sols est trop souvent déformé par des tailles abusives.” “Le Jardin familial meridional”; Yves Delange: Maître Assistant au Museum National d’Histoire Naturel (La Maison Rustique, Paris, 1980). Cette confirmation me donne l’impression d’être moins un étranger et soutient ma critique générale des pratiques de taille-massacre d’ici.
“Peu de taille est nécessaire”selon les auteurs de “Ornamental Trees” ; Evelyn Maino et Frances Howard (University of California Press, Berkeley, Californie, 1955).
Quand j’ai étudié cet arbre à l’école d’horticulture, il était décrit comme “nécessitant peu de taille”. Base de données des plantes paysagères du Centre horticole Merritt (Merritt College, Oakland, Californie).
Addendum: automne 2022
Pour confirmer mon évaluation que l’arbre de pagode japonais est risqué, en particulier quand la taille à la française invite la colonisation par Inonotus hispidus, je suis allé à un autre endroit où plusieurs avaient été plantés: au Boulodrome Les Trois Mages, entre le Cours Julien et la Place Jean Jaurès. Tous les sophoras avaient été déformés par une mauvaise taille dans le passé, peut-être due à une plantation trop proche pour la maturité, comme d’habitude, mais certainement à cause des coutumes horticoles de l’étêtage brutalement excessif des arbres et arbustes d’ici.
(photos au Boulodrome Les Trois Mages, le 10 novembre 2022)
Addendum, printemps 2023
Au Boulodrome Les Trois Mages, la coutumière taille à la française vient de se faire, laissant quelques arbres aux formes squelettiques, peu attrayantes à l’œil. L’arbre mort que j’ai documenté précédemment, qui avait été planté trop près de l’arbre voisin, juste en dessous de l’écartement de ses branches, a été coupé au ras du sol. S’il est remplacé, un autre arbre qui finira par devenir trop grand sera-t-il planté en dessous, comme c’est souvent le cas ici, ou plutôt un petit arbuste formé comme un arbre ? Je m’attends à ce que ce soit le premier cas. À Marseille, les leçons sont rarement apprises et les pratiques échouées sont perpétuées.
(photos au Boulodrome Les Trois Mages, le 19 mars 2023)
Le cercle vicieux se perpétue pour les sophoras du Japon :
Mauvaise conception avec des espaces beaucoup trop petits pour des dimensions adultes. → Taille périodique et sévère. → Coupes de taille exposant les arbres à des agents pathogènes. → Infection par un champignon, etc. → Affaiblissement et déclin, entraînant parfois la chute des branches. → Taille encore plus excessive. → Mort et enlèvement. → Répétition du cycle.
Addendum: 29 mars 2023
Deux ans et demi après les précédentes photos aux Caillols, le paysage est encore plus affreux. Tous les sophoras ont été infectés et sont bien en train de disparaître du paysage. Un grand nombre d’entre eux ont été enlevés et les autres ont été soumis à un élagage extrême pour éliminer les branches mortes et celles susceptibles de tomber, ce qui les a tous défigurés. Il faut souligner que localement même pour les arbres en bonne santé, l’élagage extrême est la pratique prédominante qui persiste depuis l’époque paysanne sans être remise en question.
(photos aux Caillols, le 27 mars 2023)
Tous les sophoras mourront avant longtemps dans un paysage mal conçu et sans intérêt qui attire peu de gens à quitter la route asphaltée adjacente pour suivre ses chemins pavés, deux allées parallèles en dalles de béton en fait, pour une raison que je ne peux pas comprendre. Une reconception radicale de l’espace devrait être envisagée, mais cela ne semble pas probable, puisqu’une replantation incohérente d’arbres de remplacement a commencé : au moins trois frênes ont été plantés à proximité immédiate, voire au-dessous, de sophoras mourants.
Les frênes, Fraxinus angustifolia, ne sont pas irrigués et, selon de nombreuses sources horticoles que j’ai consultées, ils nécessitent un arrosage modéré. Il s’agit d’une espèce généralement originaire d’un habitat riverain dans le sud de l’Europe, avec des sols alluviaux profonds et bien drainés et des nappes phréatiques pas trop éloignées de la surface. J’ai appris à le connaître là où j’habite, à Marseille, car la même espèce de frêne était présent dans le jardin et, bien qu’il ne soit pas très vieux, il était décrépit, avec une branche principale qui mourait l’une après l’autre, je suppose à cause d’une attaque fongique provoquée par un manque total d’irrigation, ainsi que des mauvais traitements. Il faut mentionner que, comme beaucoup d’ arbres ici, il avait eu une histoire de mauvais élagage, en fait barbare. Il avait été décapité à un mètre et demi de hauteur, ce qui avait entraîné une étrange courbure du tronc sur le côté. Considérablement affaibli et son tronc exposé à des pathogènes invasifs, cela a pu être une cause majeure de sa disparition. Finalement, il a fallu l’enlever. Voir l’étude sur cette espèce de frêne réalisée par le : Service du Patrimoine Naturel Département Ecologie et Gestion de la Biodiversité par Farid Bensettiti et Marcel Barbéro.
Imaginez un réexamen fondamental de la conception de cet espace longitudinal qui inciterait les gens à marcher le long d’un sentier unique et sinueux à travers un paysage intéressant avec des espaces internes qui les inciteraient à s’attarder et à passer du temps dans quelques espaces beaucoup plus larges où les gens pourraient s’asseoir, se rassembler, manger sur des tables, jouer et surtout, apprécier la beauté naturelle autour. Finies les doubles et triples lignes d’une même espèce d’arbres trop rapprochés et sévèrement taillés, les allées ennuyeuses. Un tel design contrebalancerait la linéarité de l’espace, (un peu comme cela a été fait dans le Golden Gate Park à San Francisco par opposition au Parc du 26ème Centenaire, où la linéarité a été accentuée).
Imaginez une configuration plus naturaliste de plusieurs espèces d’arbres contrastés mais complémentaires, avec suffisamment de répétition pour assurer l’unité de la conception; à la fois des arbres à feuilles persistantes et à feuilles caduques de différentes dimensions et formes structurelles, avec suffisamment d’espace pour que chaque arbre conserve son apparence naturelle avec la maturité. Des combinaisons harmonieuses d’écorces, de types et de couleurs de fleurs, de formes et de textures de feuilles, de fruits, etc., ainsi que quelques couleurs d’automne.
Et les arbustes seraient utilisés de la même manière, souvent en masse de manière informelle, certains plus droits et certains couvre-sols assez prostrés sur la pente, dont aucun ne nécessiterait une taille fréquente et sévère, parce que le paysage serait conçu non pas pour des résultats dans deux ans, mais pour vingt ans et au-delà.
Cela serait possible avec un paysage bien conçu, conçu pour un entretien relativement faible ne nécessitant qu’une taille sélective et le désherbage régulier de ses massifs mulchés qui diminuerait avec le temps. Ce design ne nécessiterait pas un contrôle périodique et déformant avec des tronçonneuses et des cisailles à haies pour remédier à une mauvaise conception.
Addendum: 17 juillet 2023
Les sophoras malades avec un historique de taille excessive répétée abondent à Marseille. Ils sont faciles à trouver. Le polypore prolifère lorsqu’il est invité par de mauvaises pratiques horticoles.
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Aux Caillols, à l’ouest des sophoras controversés sur l’avenue William Booth entre le boulevard Bouyala d’Arnaud et le Parc Mirabelle, Il y a bien plus de sophoras. Le côté nord de l’avenue William Booth en face de la ligne de tramway, entre les arrêts Les Caillols et William Booth, est également densément planté de sophoras, 46 au total. Chacun d’entre eux a été évalué en termes de santé.
Mes constatations :
L’un d’entre eux, énorme et sans signes de taille abusive, semble être en bonne santé.
Quinze sophoras semblent être dans un état de santé moyen.
Douze sophoras sont en faible santé.
Quinze sophoras sont en mauvais état de santé, dont dix en très mauvais état de santé.
Trois d’entre eux sont soit morts, soit coupés au sol et en train de rejeter des tiges.
Donc, environ les deux tiers sont moribonds. Des statistiques déprimantes.
La bonne santé des arbres est inversement proportionnelle aux antécédents de taille sévère.
(photos aux Caillols en face du tramway, le 17 juillet 2023)
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Au parc Longchamp, les très vieux et imposants sophoras semblent avoir tous été infectés et disparaissent l’un après l’autre du paysage. Certains sont morts et ont été réduits à une souche. D’autres ont été sévèrement taillés pour éviter que de grosses branches pourries ne tombent sur les visiteurs et les blessent ou les tuent. Ils finiront par mourir eux aussi. Les autres présentent des signes d’infection: beaucoup de bois mort et de branches pourries.
Malheureusement, de nombreux arbres vénérables du parc sont à la fin de leur vie. Par exemple, plusieurs immenses féviers d’Amérique, Gleditsia triacanthos, qui peuvent vivre environ 125 ans, ont beaucoup de bois mort, ce qui suggère un déclin. Un vieux et majestueux Diospyros virginiana, proche cousin de la côte est nord-américain du kaki asiatique, est récemment mort et a dû être éliminé du paysage.
Au “Jardin zoologique“
Au “Jardin du plateau“
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Une controverse plus récente sur l’abattage des sophoras à Marseille concerne celui qui a été récemment enlevé de la jardinière centrale de la place de la Corderie. Plus jeune, je suis souvent passé à côté de ce sophora en courant vers le sommet de Notre Dame de la Garde, mais je ne l’avais pas vu depuis un certain temps. Je ne l’ai jamais inspecté de près, par exemple à la recherche de champignons ou pour déterminer s’il avait subi un élagage sévère et délétère. Il serait intéressant de savoir s’il a eu des antécédents de taille excessive, d’étêtage, ce qui aurait pu ouvrir la porte à des infections fongiques et réduire ainsi sa durée de vie.
L’allégation de malhonnêteté professionnelle de la part des spécialistes des arbres ou des phytopathologistes employés par MPM ou par la municipalité ne me surprend pas étant donné le climat politique si polarisé ici. Trois experts différents falsifieraient-ils leurs rapports et risqueraient-ils de salir leur réputation et de compromettre leur emploi au gouvernement, s’ils étaient publiquement exposés ? Je trouve cela difficile à croire.
Il y a de nombreuses années, il y a eu une accusation de fraude dans le diagnostic de la santé d’un arbre infecté par un champignon sur le site du parking souterrain alors proposé sous le Parc Longchamp. Pour de nombreux détracteurs du projet, il s’agissait d’une trop grande coïncidence. Membre de SOS Longchamp et Laisse Béton, et ayant des connaissances en mycologie, on m’a demandé d’évaluer l’arbre et j’ai confirmé la présence d’un champignon. L’arbre a finalement été abattu.
Dans notre culture moderne de complots et de faits alternatifs, même les scientifiques du gouvernement sont tous compromis et suspects. Trois évaluations indépendantes du sophora de la Corderie, y compris l’identification spécifique de deux espèces de polypores parasites, Innotus hispidus et Perenniporia fraxinea, n’ont pas suffi à convaincre certains que l’arbre était malade. (Paranoia strikes deep.)
Je demanderais à tous les défenseurs des arbres à tout prix comment ils se sentiraient si un arbre malade qu’ils avaient protégé contre l’abattage, blessait ou tuait quelqu’un à cause de branches ou de troncs tombés.
Personnellement, en tant que jardinier professionnel, j’ai pris conscience du danger potentiel que représentent les arbres. Alors que je travaillais dans un jardin dans les collines de Berkeley, en Californie, un énorme séquoia de la côte a été frappé par la foudre, le fendant en deux. Des sections massives du tronc se sont écrasées sur le sol où je me trouvais à peine 30 minutes auparavant. Quand l’orage a commencé, j’ai sagement évité de me trouver sous les grands séquoias qui bordaient la promenade publique. Si j’avais décidé de continuer à travailler en dessous, j’aurais probablement été écrasé. A Marseille, où j’ai souvent rencontré de grosses branches tombées après un puissant Mistral, je me méfie des chutes de branches dans de telles conditions, surtout si l’arbre est structurellement affaibli par une maladie et/ou une mauvaise taille.
Addendum: 9 décembre 2023
Les inquiétudes concernant la dangerosité des chutes importantes de branches ou de troncs de sophoras infectés sont tout à fait justifiées et ne sont pas du tout exagérées. Ils constituent une menace pour la sécurité publique.
L’énorme sophora de la place de la Corderie qui vient d’être abattu n’était pas solide sur le plan structurel et, et indépendamment du projet de tramway, aurait dû être enlevé.
Dans le Jardin zoologique du Parc Longchamp, une branche importante est tombée cet automne d’un groupe de trois sophoras malades que j’ai déjà présentés ici.
Addendum: 1 mai 2024
Pendant ma course à pied hier, j’ai encore une fois rencontré un sophora japonais malade, qui a eu une histoire évidente d’avoir été massacré à la Résidence l’Hippodrome sur le Bd Jean Eugène Cabasud à la Capelette. Les sophoras massacrés se voient partout.
Addendum: 20 septembre 2024
la Traverse Chante Perdrix dans le 10ème
A l’angle de la Traverse Chante Perdrix, à côté du Burger King, un deuxième sophora plus petit, dans la même plate-bande que le grand dont le tronc s’est fendu en deux, a laissé tomber une branche importante lors d’une tempête il y a quelques jours. Comme son voisin, il constitue un danger pour la sécurité publique. Tous les deux devraient être enlevés.